Publié le 15/07/2020
H2A rocket launch on Tanegashima Island - Japan ©Shutterstock

Lionel FATTON

Le programme spatial japonais a beaucoup évolué depuis la fin de la guerre froide. Il s’est adapté à un environnement géopolitique en rapide évolution tout en favorisant une plus grande autonomie du Japon au sein de son alliance avec les Etats-Unis.

Les doutes quant à la volonté et la capacité des États-Unis de respecter leurs engagements de sécurité ont conduit Tokyo à adopter des réformes pour renforcer sa valeur en tant qu’allié tout en s'orientant vers une position de défense plus autonome afin de se préparer à un éventuel scénario d'abandon. Le programme spatial japonais originellement basé sur le principe de l'utilisation pacifique de l'espace vise aujourd’hui à assurer la sécurité nationale par des moyens non offensifs.

Le programme spatial du Japon vise actuellement à renforcer les capacités de combat des Forces d'autodéfense (FAD) conformément au principe non offensif et à maintenir en toutes circonstances la capacité d'utiliser ses équipements spatiaux à cette fin. Par conséquent, le pays ne militarise pas l'espace au-delà de ce qui est nécessaire pour garantir le bon fonctionnement des FAD.

Les pratiques de la guerre contemporaine mettent l’accent sur la collecte de renseignement et sur l'interopérabilité entre les différentes composantes militaires. Les dispositifs de collecte d'informations et de connaissance du domaine maritime (Maritime Domain Awareness – MDA), les services de positionnement et les satellites de communications militaires permettent au Japon de mieux comprendre son environnement, aident à anticiper et à faire face aux menaces et permettent une plus grande interopérabilité entre les services des FAD. Comme la sécurité nationale dépend de plus en plus des opérations spatiales, la surveillance de l’espace (Space Situational Awareness – SSA) a pris une place prépondérante dans le programme spatial japonais comme moyen de protéger ses équipements contre les débris orbitaux et les armes antisatellites.

En partie en raison de contraintes juridiques, politiques et budgétaires nationales, la coopération avec les partenaires internationaux reste cruciale pour le Japon afin d'assurer la sécurité nationale et de développer des équipements spatiaux clés. Avec les États-Unis et l'Inde, Tokyo travaille sur des services de positionnement, le MDA et SSA pour aider à coordonner les mouvements de troupes entre alliés, renforcer la surveillance de la mer et des océans en Asie-Pacifique et protéger les équipements spatiaux. Le Japon s'est également associé à des pays européens pour co-développer des technologies spatiales, poursuivre l'exploration dans l'espace lointain, coopérer sur des services de positionnement et établir des normes internationales pour les activités spatiales.

Le Japon n'a pas encore rejoint les trois grands dans la course à l'espace militaire du 21e siècle. Par rapport aux États-Unis, à la Chine et à la Russie, le Japon est toujours entravé par les contraintes internes en ce qui concerne les affaires militaires, et donc l'utilisation de l'espace à des fins de sécurité. Bien que le programme spatial japonais soit aujourd'hui presque purement non-offensif, la stratégie d’autonomie au sein de l’alliance implique une militarisation potentielle de l'espace, au-delà du principe non offensif. Cette utilisation offensive de l’espace pourrait se matérialiser par l’acquisition de capacités de frappe et la mise au point d’armes antisatellites propres au Japon ou de systèmes de défense actifs pour les équipements spatiaux.

La décision du Japon de suivre cette voie dépend de divers facteurs. Sur le plan intérieur, la stabilité politique sera décisive pour l’adaptation rapide du programme spatial japonais à son environnement. Sur le plan international, l’évolution de la vision stratégique des États-Unis et leur implication dans la région Asie-Pacifique constitueront le facteur le plus influent. Plus Tokyo doute de la capacité et de la volonté de Washington de respecter ses engagements en matière de sécurité, plus sa stratégie d’autonomisation au sein de l’alliance s'intensifie, infusant et transformant davantage son programme spatial.

 

Cette étude est disponible en anglais uniquement: Japan’s Space Program: Shifting Away from “Non-Offensive” Purposes? [1]