Publié le 13/09/2020

Denis BAUCHARD, entretien paru dans Le Figaro. Propos recuellis par Guillaume Perrault

L’ancien ambassadeur Denis Bauchard, conseiller à l’Institut français pour les relations internationales pour le Moyen-Orient, explique pourquoi Paris s’oppose à la politique musclée de Washington sur le dossier du nucléaire iranien.

LE FIGARO. - Washington se prépare à rétablir de façon unilatérale des sanctions contre l’Iran. Est-ce une preuve de la faiblesse de l’Union européenne?

Denis BAUCHARD. - Cette décision s’inscrit dans la lignée de la dénonciation, par le président Trump, de l’accord sur le nucléaire iranien conclu à Vienne le 14 juillet 2015. La position des États-Unis pose en effet un problème de crédibilité à l’Union européenne, partie prenante dans cet accord. De surcroît la ligne extrêmement dure de Washington ne peut qu’encourager le régime iranien à aller encore puis loin. C’est la crainte de l’Europe. En effet, depuis le mois de novembre 2019, sans dénoncer formellement l’accord, Téhéran est sorti de son cadre. Si celui-ci devait devenir caduc, l’Iran pourrait reprendre sans contrôle son programme nucléaire, y compris dans sa dimension militaire. Enfin le renforcement des sanctions américaines ne peut que favoriser la conclusion du projet d’accord stratégique entre Téhéran et Pékin, en cours de négociation, ce qui ne fera qu’accroître l’influence de la Chine dans cette région sensible.

Les entreprises des pays membres de l’Union européenne, en outre, se plient aux sanctions décidées par les États-Unis: les sociétés européennes qui continueraient d’investir et de commercer avec l’Iran pourraient être poursuivies par la justice américaine. La condamnation de BNP Paribas à près de 9 milliards de dollars d’amende, en 2014, a provoqué un traumatisme dans les milieux d’affaires européens. L’Europe et ses pays membres voient leur souveraineté bafouée par l’extraterritorialité du droit américain.

Tous ces éléments avaient conduit le président Macron à multiplier les initiatives, notamment au sommet du G7 à Biarritz (août 2019), pour convaincre les États-Unis de reprendre les négociations et de remédier à certaines faiblesses de l’accord. Sans succès à ce jour.

 

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