Publié le 24/09/2020

Marc JULIENNE, cité par David Pauget dans L'Express.

Le militant de 23 ans s'est fait connaître lors du "Mouvement des parapluies". Figure des militants pro-démocratie, il a de nouveau été brièvement arrêté ce jeudi.

"C'est difficile pour moi d'imaginer ou de prédire ce que sera mon avenir", confiait en août dernier Joshua Wong par vidéoconférence, dans le cadre du festival international du livre d'Edimbourg. "Chaque jour je m'endors et je m'inquiète de savoir si le gouvernement va venir m'arrêter immédiatement ou le lendemain". Mais la détermination du jeune militant de 23 ans ne faiblit pas. Il a promis ce jeudi de poursuivre la résistance, après avoir de nouveau été brièvement arrêté. 

Son interpellation pendant quelques heures est intervenue alors que la ville est depuis fin juin l'objet d'une reprise en main musclée par Pékin, ayant imposé à sa région semi-autonome une loi très critiquée sur la sécurité nationale, servant de réponse à l'immense mobilisation populaire de 2019.  

"Le neutraliser au plus vite"

"Joshua Wong est un caillou dans la chaussure que les autorités essaient de neutraliser au plus vite, depuis l'entrée en vigueur de la loi sur la sécurité nationale", résume auprès de L'Express Marc Julienne, chercheur, responsable des activités Chine à l'Institut français de relations internationales (Ifri). Pourquoi a-t-il été libéré quelques heures plus tard ? "A chaque fois, on essaie de le bloquer mais il est tellement médiatique, il a une visibilité internationale. L'arrêter brutalement et le mettre en prison sera mal vu, contreproductive pour les autorités. Ils essaient de trouver le bon moment, la bonne occasion et le bon prétexte pour l'arrêter." 

Le militant de 23 ans a indiqué qu'il était poursuivi pour "rassemblement illégal", à cause de sa participation à une manifestation le 5 octobre 2019 contre l'interdiction du port du masque. Avec cette décision - finalement abandonnée -, prise avant la crise sanitaire, l'exécutif local espérait faciliter le travail de la police et désamorcer la contestation. L'avocat de Joshua Wong a précisé que le militant avait été arrêté alors qu'il était venu pointer dans un commissariat, dans le cadre d'un contrôle judiciaire décidé dans une autre affaire.  

Car Joshua Wong, qui a été de tous les combats pour la démocratie à Hongkong depuis 10 ans, est depuis plusieurs années une cible pour le pouvoir. "Il a émergé en 2014 avec le Mouvement des parapluies qui revendiquait le suffrage universel direct", explique Marc Julienne. Malgré l'ampleur de cette mobilisation très pacifique, Pékin ne fait finalement aucune concession.

Mais les prises de parole de Joshua Wong, à peine âgé de 17 ans, et son style - t-shirt, short et lunettes rectangulaires noires - marquent les esprits. Il est déjà brièvement arrêté lors du mouvement et des médias proches du pouvoir le décrivent comme une personne manipulée par les Américains.  

Immense popularité, dans le viseur de Pékin

Poursuivi pour "rassemblement illégal", il est condamné à 80 heures de travaux d'intérêt général en première instance en août 2016. En août 2017, la cour d'appel le condamne, tout comme deux autres jeunes militants, à des peines de plusieurs mois de prison ferme. Ils sont finalement tous les trois libérés sous caution. 

Mais cela fait déjà un petit moment que Joshua Wong n'était plus un inconnu. Son activisme et ses arrestations lui valent une vague de soutien dans le monde entier. Et le jeune homme dispose déjà d'une immense popularité. Le magazine américain Time le nomme en 2014 et 2015 parmi les adolescents les plus influents de la planète. Une popularité qui le place donc encore plus dans le viseur de Pékin et des autorités judiciaires hongkongaises.

"Limiter son influence politique"

D'où cette question : comment écarter quelqu'un d'aussi populaire ? En le disqualifiant, de n'importe quelle manière.

L'idée, c'est d'essayer de le bloquer, limiter son influence politique, l'empêcher de s'engager politiquement. Mais le discours ne correspond pas à la réalité. Les autorités aimeraient qu'il soit un agent de la CIA, un dangereux terroriste, mais non, c'est un jeune homme de 23 ans qui sait qu'un jour Hongkong sera entièrement rétrocédée, théoriquement en 2047, explique Marc Julienne. Mais ce qu'il observe au quotidien, c'est ce que ce sera avant 2047 à la vitesse où ça va ; l'Etat de droit est totalement menacé, voire caduque, à cause de la loi sur la sécurité nationale. Et il est prêt à tout, à aller en prison, mais milite dans un style pacifique.

Fin juillet, les candidatures aux législatives hongkongaises de 12 militants prodémocratie, parmi lesquels Joshua Wong, ont été invalidées. Les candidats recalés avaient dénoncé un "mépris total" de Pékin envers les Hongkongais. "Notre résistance se poursuivra et nous espérons que le monde se tiendra à nos côtés dans les batailles à venir", avait déclaré lors d'une conférence de presse Joshua Wong. "Ils ne peuvent pas tous nous tuer." 

L'arrestation ce jeudi de Joshua Wong, une semaine avant un sommet européen, mine la confiance de l'UE dans la Chine, a averti le porte-parole du chef de la diplomatie européenne. "L'arrestation de Joshua Wong le 24 septembre est la dernière d'une série troublante d'arrestations de militants pro-démocratie depuis l'été", a-t-il déploré. L'Union européenne exige que ces arrestations soient examinées par "un système judiciaire indépendant". 

 

Lire l'article sur le site de L'Express [1].