Publié le 12/10/2020

Marc-Antoine EYL-MAZZEGA, cité par Isabelle Lasserre dans Le Figaro

Le gazoduc qui doit relier directement Russie et Allemagne pourrait ne pas survivre à l’empoisonnement de l’opposant russe.

Angela Merkel tente d’associer l’Europe à une politique de sanctions contre la Russie qui, pour l’instant, évite soigneusement de prendre en considération le gazoduc Nord Stream 2, source de tous les embarras à Berlin.

L’empoisonnement du principal opposant de Vladimir Poutine est-elle la goutte d’eau qui fait déborder le vase européen ?

En apparence, oui. Et la fronde, naturelle dans les pays d’Europe orientale, s’est propagée aux deux pays moteurs de l’Union, l’Allemagne et la France, qui avancent désormais des idées nouvelles pour sanctionner le Kremlin. Après la Géorgie, la Crimée, les cyberattaques et les provocations géopolitiques de Moscou au Moyen-Orient, l’affaire Navalny a provoqué un électrochoc en Europe. 

« En Allemagne, la vieille stratégie consistant à augmenter l’interdépendance avec la Russie dans l’espoir de stabiliser le pays et de normaliser son régime politique, a été mise en déroute », explique Marc-Antoine Eyl- Mazzega, chercheur à l’Ifri et spécialiste du dossier Nord Stream 2.

Ce gazoduc presque terminé, qui doit doubler le transit de gaz de Nord Stream 1 entre la Russie et l’Allemagne en contournant l’Ukraine, avait jusqu’à présent été épargné des listes de sanctions par la Chancellerie, qui refusait d’en reconnaître le caractère géopolitique, pour le réduire à un outil strictement économique. Ce temps-là est révolu. L’empoisonne ment de Navalny au mois d’août, alors que les sanctions européennes classiques imposées en 2014 après l’annexion de la Crimée n’ont pas eu d’impact sur le comportement du Kremlin, a poussé une partie de la classe politique à remettre en cause le projet dirigé par la gigantesque entreprise d’Etat Gazprom. (...)

Quel est le jeu de la Russie ?

Pour la Russie, Nord Stream 2 est avant tout un projet politique, qui permet d’affaiblir l’Ukraine, en lui retirant son statut de pays transit, et de diviser les pays européens. 

« Depuis la guerre en Ukraine de 2014, la Russie aurait pu donner des signes d'apaisement pour soutenir le gazoduc. Elle n’en a rien fait. Pourquoi ? Parce que le projet n’a plus d’importance stratégique pour les Russes. Le principal objectif de Nord Stream 2 était de provoquer des divisions en Europe et au sein de la communauté transatlantique. Or ce but est déjà atteint », décrypte Marc-Antoine Eyl-Mazzega, le spécialiste de l’Ifri.

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Donald Trump, meilleur allié d'Angela Merkel ? 

Le projet a aussi nourri les tensions entre les États-Unis et l’Europe. Les Américains ont toujours été contre. Ils veulent pouvoir écouler en Europe leur gaz non liquéfié (GNL), l’exploitation des gisements de schiste ayant fait exploser leur production. 

« Mais l’enjeu n’est pas seulement de pousser à la construction de nouveaux terminaux d’importation de GNL en Europe. Il est aussi politique. A Washington, on considère que les Occidentaux doivent cesser de faire de grands deals avec les sociétés étatiques russes, la Russie étant devenue un Etat semi-criminel », poursuit le spécialiste énergie de l’Ifri.

Pour imposer ses vues, le pouvoir américain utilise, comme dans le dossier du nucléaire iranien, le système des sanctions extraterritoriales. Cet embargo a provoqué une levée de boucliers en Europe, mais en arrêtant de facto les travaux de Nord Stream 2, il pourrait bien faire les affaires d’Angela Merkel.  (...)

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