Publié le 22/11/2020

Paul MAURICE, cité par Ximana Sampson sur Radio-Canada

La doyenne des dirigeants européens a marqué l’histoire par sa longévité politique. Retour sur le parcours politique de celle que les Allemands surnomment « maman ».

Pragmatique, prudente, rigoureuse, disciplinée : les qualificatifs généralement employés pour dépeindre Angela Merkel laissent peu de place aux envolées lyriques et aux émotions. Mais ils décrivent bien celle qui a su incarner pour ses compatriotes et pour les Européens la stabilité en temps de crise.

À ses débuts en politique, aux côtés de son mentor, l’ex-chancelier Helmut Kohl, Angela Merkel pouvait avoir l’air d’une jeune femme timide, pas très sûre d’elle et plutôt gauche, soutient Norbert Eschborn, directeur du bureau canadien de la Fondation Konrad-Adenauer (proche de la CDU, l’Union chrétienne-démocrate d'Allemagne, le parti d’Angela Merkel).

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Comment cette chercheuse en chimie quantique est-elle devenue la femme la plus puissante du monde (selon le palmarès du magazine Forbes) ?

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  • « Elle ne se serait jamais attendue à jouer un rôle comme celui-là. Mais quand l'occasion s’est présentée, elle l'a saisie. Elle n'a pas hésité ». Elle avait une volonté absolue de pouvoir. Norbert Eschborn, directeur du bureau canadien de la Fondation Konrad-Adenauer.
  • « Elle reste fidèle à ses principes et ne se laisse pas désarçonner facilement ». Valérie Dubslaff, maîtresse de conférences à l’Université Rennes 2.

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Paul Maurice, chercheur à l’Institut français des relations internationales (IFRI), est plus critique.

Il n’y a pas de grande originalité, pas de grandes initiatives, sauf quand elle n'a pas le choix.

Son bilan

Parmi ses grands succès, on compte sa gouvernance inébranlable lors de la crise de la zone euro, où elle n’a pourtant pas eu un très beau rôle, rappelle M. Maurice.

« L'Allemagne était un peu le gendarme de l'Europe ; elle était perçue comme extrêmement rigoriste, absolument pas solidaire [avec ses alliés plus faibles] », explique-t-il.

Pour les Grecs, Merkel incarnait cette Allemagne qui ne pense qu'à elle, qui ne veut que l'équilibre de ses comptes, et n'est pas prête à la solidarité européenne. Paul Maurice, chercheur à l’Institut français des relations internationales (IFRI).

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La crise migratoire de 2015-2016 a été une autre épreuve majeure, qu’elle a surmontée en ouvrant toutes grandes les portes du pays. Angela Merkel a fait un geste fort en proposant d'accueillir plus de 1 million de migrants originaires de Syrie qui fuyaient la guerre civile, rappelle M. Maurice.

« Elle a su être présente là où on ne l'attendait pas, coupant l'herbe sous le pied des sociaux-démocrates du SPD (Parti social-démocrate d'Allemagne) et des Verts, croit le chercheur. C'était une manière de capter, ou du moins de rassurer, un électorat qui n'était pas forcément le sien ».

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Même si la CDU est fondamentalement un parti de centre droit, Angela Merkel a gouverné un peu plus à gauche, empiétant ainsi sur le terrain de son principal adversaire, le SPD. « Elle incarne une branche plus modérée au sein de la CDU, note Paul Maurice, une vision plus humaine, et c’est en partie ce qui a fait sa popularité ».

Mais ce faisant, elle a laissé vacant un espace à droite, que l’AfD a occupé avec un tel succès qu’il est maintenant la troisième force au Bundestag, le Parlement allemand.

Née dans la contestation de la politique économique de la CDU lors de la crise grecque, l'AfD a su ensuite se recycler en rejetant la décision d'accueillir les migrants, rappelle M. Maurice.

On arrive dans cette situation paradoxale où, pour la première fois depuis 1949, on a un parti à la droite de la CDU au Bundestag. Paul Maurice, chercheur à l’Institut français des relations internationales (IFRI).

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Qui chaussera ses souliers ?

Remplacer Angela Merkel ne sera pas évident, comme l’a bien démontré l’épisode de Thuringe. À la suite d’une crise provoquée par une possible alliance de la CDU avec l’extrême droite dans cet État, la chancelière, qui était en déplacement en Afrique du Sud, a dû revenir d'urgence rétablir l’ordre dans le parti, sa dauphine n’ayant pu le faire.

« Cela a été une crise interne très forte qui a montré que Merkel était encore l'autorité, et qu’après elle personne n'en avait », affirme Paul Maurice. « Elle n'a pas de successeur qui soit à la hauteur ».

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Lire cet article dans son intégralité sur le site de Radio-Canada. [1]