Publié le 24/11/2020

Marc JULIENNE, cité par Brice Pedroletti dans Le Monde.

Le sentiment des Européens à l’égard de la République populaire s’est nettement dégradé durant la crise du Covid-19, selon un sondage publié mardi 24 novembre.

L’épidémie due au coronavirus, les violations des droits de l’homme et la puissance technologique utilisée à mauvais escient contribuent à faire de la Chine le deuxième pays le moins bien perçu en France, derrière la Corée du Nord et devant la Russie, avec 62 % des sondés exprimant un sentiment négatif ou très négatif vis-à-vis de ce pays, et seulement 16 % ayant une perception positive. Ces chiffres, publiés le 24 novembre [1] par l’Institut français des relations internationales (IFRI), sont tirés des résultats pour la France d’un vaste sondage [2]sur l’image de la Chine mené entre septembre et octobre dans treize pays européens (dont la Russie) par un collectif de chercheurs à l’initiative de l’université Palacky d’Olomouc, en République tchèque.

Ce sentiment négatif envers la Chine est largement consensuel et transpartisan en France : entre 58 % et 69 % des sondés, parmi les électeurs des six principales formations politiques, perçoivent la Chine de manière « très négative, ou négative ». Les personnes affiliées à Europe Ecologie-Les Verts sont en tête pour le cumul des perceptions « négatives et très négatives ». Les Républicains sont les seuls chez qui une opinion positive de la Chine atteint 23 % des sondés.

La cybersécurité en première ligne

Globalement, l’image de la Chine s’est détériorée pour 53 % des Français interrogés sur les trois dernières années. Consultés sur ce qu’ils souhaiteraient constituer les priorités de leur gouvernement vis-à-vis de Pékin, les Français placent en premier les questions de cybersécurité. Faire progresser les droits de l’homme et de la démocratie en Chine se place en troisième position, derrière la « coopération sur les questions globales comme les épidémies et le changement climatique », l’une des antiennes du discours officiel du gouvernement français vis-à-vis de la Chine.

« L’opinion publique française se montre, à l’égard de la Chine, beaucoup plus sensible aux aspects politiques qu’économiques. Les premiers termes qui viennent à l’esprit des sondés, en dehors du Covid-19, sont “dictature” et “autoritaire”. Les Français placent la Chine au dernier rang des Etats et entités de confiance [derrière l’UE, les Etats-Unis et la Russie], et l’envisagent comme le dernier des partenaires pour construire une infrastructure 5G [derrière la Corée du Sud, les Etats-Unis, le Japon et l’UE]. Les questions de commerce et d’investissements préoccupent peu », analyse Marc Julienne, de l’IFRI, l’un des chercheurs du collectif ayant travaillé sur l’étude.

« Du point de vue chinois, les résultats montrent un échec de la diplomatie chinoise, et de son soft power. Du point de vue français, on peut s’interroger sur le peu de place accordé à la Chine dans le débat public, vue l’importance aux yeux de l’opinion des questions politiques comme l’autoritarisme, les droits de l’homme et la cybersécurité », poursuit le chercheur.

En revanche, les Français expriment peu d’inquiétude vis-à-vis de la puissance militaire chinoise ou de son expansion géopolitique : « Les personnes interrogées, ajoute M. Julienne, semblent beaucoup plus préoccupées par la puissance technologique grandissante de la Chine que par son armée lointaine. »

Sondage européen

Parmi les douze autres pays dans l’étude générale, aux côtés de la France (neuf de l’UE, plus la Russie, la Serbie et le Royaume-Uni), seuls les sondés de Russie et de Serbie expriment des vues largement favorables à la Chine, avec près de 60 % d’opinions « positives et très positives ». La Serbie est de loin le pays où l’image de la Chine dans l’opinion publique s’est le plus améliorée au temps du Covid – près de la moitié des personnes interrogées estimant avoir une meilleure image de la Chine aujourd’hui qu’il y a trois ans. A l’inverse, les deux tiers des Britanniques disent avoir une opinion plus mauvaise de la Chine aujourd’hui. Dans l’UE, la Lettonie est le pays où la Chine est la mieux considérée, avec 43 % d’opinions « positives et très positives ».

Comparés à la Chine et à la Russie, les Etats-Unis sont la puissance considérée de la manière la plus positive par la plupart des pays, et particulièrement la Pologne, la Hongrie, le Royaume-Uni, mais aussi la Suède, l’Italie et la République tchèque. La Russie est le pays le plus positivement perçu dans deux pays de l’UE – la Slovaquie et la Lettonie – ainsi qu’en Serbie.

Sur l’origine du virus, près de 40 % des personnes interrogées en Hongrie et en Espagne accréditent la thèse « complotiste » selon laquelle le virus aurait été « conçu artificiellement dans un laboratoire chinois et disséminé de manière intentionnelle dans le reste du monde », et pas loin de 50 % en Pologne. Dans les autres pays, comme en France, les sondés privilégient la thèse d’un « saut naturel entre la chauve-souris et l’homme ». En Russie, pas loin de 35 % des sondés croient que le virus a été apporté en Chine par les militaires américains en 2019 – une thèse « complotiste » mise en avant par les autorités chinoises.

 

Retrouvez l'article sur le site de Le Monde [3].