Publié le 31/12/2020

Carole MATHIEU, citée par Nabil Wakim dans Le Monde

L’année 2020 a conforté les compagnies qui ont parié les premières sur l’essor de l’éolien ou du solaire, comme l’italien Enel ou l’espagnol Iberdrola. La montée en puissance de ces acteurs oblige les pétroliers à diversifier à leur tour leur production.

Le site de Dogger Bank, situé en mer du Nord à une centaine de kilomètres des côtes britanniques, est historiquement connu pour la bataille navale homérique qu’y livra le corsaire Jean Bart contre 112 navires marchands hollandais, en 1696. Désormais, on va y trouver l’un des plus importants projets énergétiques du continent européen. Précision : il ne s’agit pas d’une plate-forme pétrolière… mais du plus grand projet éolien au monde.

En cette trouble année 2020, l’une des plus grosses décisions d’investissement signées dans le secteur concerne les énergies renouvelables. D’un montant d’environ 6 milliards de dollars (4,9 milliards d’euros), elle est l’œuvre d’Equinor, un groupe pétrolier norvégien en reconversion, et d’Iberdrola, un géant espagnol dans ce domaine. Tout un symbole, alors que la crise sanitaire met en lumière une tendance à l’œuvre depuis plusieurs années : de nouveaux acteurs sont en train de devenir les champions mondiaux de l’énergie.

Pendant des années, les « majors » du pétrole et du gaz (ExxonMobil, Chevron, BP, Shell et Total) étaient des valeurs sûres pour les investisseurs et les stars des indices boursiers. L’année 2020 acterait-elle la fin de cette période ? Plusieurs analystes évoquent désormais l’émergence de « majors » du renouvelable. Selon la banque américaine Goldman Sachs, on trouve en tête de ce peloton l’italien Enel, l’espagnol Iberdrola, l’américain NextEra et le danois Orsted. Le portugais EDPR et l’allemand RWE font également partie de cette liste prometteuse. S’agit-il d’un tournant historique ou d’un séduisant discours marketing ?

[...]

Grands groupes

En réalité, ces nouveaux géants ont construit des modèles qui leur assurent des revenus moins spectaculaires que ceux des pétroliers, mais plus réguliers. Les parcs éoliens ou solaires sont souvent opérés pour des durées de quinze ou vingt ans, avec des tarifs de rachat fixés à l’avance. Jusqu’à présent, ces tarifs étaient garantis par les Etats… et payés par les consommateurs sur la facture d’électricité.

« L’idée de voir émerger des “majors” n’est pas seulement le résultat d’une baisse des coûts des énergies renouvelables », tempère Carole Mathieu, chercheuse au centre énergie et climat de l’Institut français des relations internationales, qui précise que ce mouvement a lieu « grâce à un soutien public continu, et à des objectifs de décarbonation ambitieux de la part des Etats, en particulier en Europe ». Aux appels d’offres publics s’ajoutent désormais de grands groupes, comme Google et Amazon, qui signent des contrats leur permettant de s’assurer un prix stable de l’électricité et de « verdir » leur communication.

Cette stabilité de revenus permet d’afficher des objectifs ambitieux, à l’instar d’Enel qui promet 70 milliards d’euros d’investissements pour atteindre 120 gigawatts (GW) de capacité installée à l’horizon 2030 – contre 48 GW actuellement. Iberdrola espère tripler ses capacités actuelles en atteignant 95 GW en 2030. Des annonces qui masquent parfois le fait que ces groupes possèdent encore des centrales au gaz ou au charbon. Ainsi, Enel tire encore 40 % de son chiffre d’affaires de moyens thermiques.

Mais les investisseurs semblent avoir les yeux rivés sur les perspectives de développement : en octobre, pendant une brève période, l’électricien américain NextEra est passé devant ExxonMobil en matière de capitalisation boursière. Bien sûr, ces valeurs boursières ne signifient pas pour autant des revenus aussi spectaculaires : en 2019, ExxonMobil a assuré 14,3 milliards de dollars de profit, contre 3,7 milliards pour NextEra. Mais elles traduisent l’intérêt grandissant pour ces étoiles montantes.

[...]

 > Lire l'intégralité de l'article sur le site du journal  Le Monde [1]