Publié le 06/03/2021

Thierry VIRCOULON, interviewé par Bridget Ugwe pour Africanews.

Le 22 février dernier, l'ambassadeur italien Luca Attanasio était assassiné en République Démocratique du Congo lors d'un déplacement dans le Nord-Kivu à bord d'un véhicule du Programme alimentaire mondial. L'attaque qui a fait trois morts s'est produit alors que les Casques bleus de la Mission de l'Organisation des Nations unies en RDC (Monusco) sont présents depuis 20 ans dans l'est du pays.

Des voix s'élèvent aujourd'hui pour dénoncer l'incapacité des Nations unies à ramener la paix dans la région. Pour évoquer le sujet, le coordonnateur de l'Observatoire de l'Afrique australe et centrale à l'Ifri. Thierry Vircoulon, répond aux questions de Bridget Ugwe.

 

Luca Attanasio effectuait un déplacement dans le Nord-Kivu à bord d'un véhicule du Programme alimentaire mondial (PAM). L'attaque qui a fait trois morts : l'ambassadeur, son garde du corps italien et son chauffeur congolais, se produit alors que cela fait maintenant 20 ans que les Casques bleus de la Monusco sont dans l'Est du pays. Aujourd'hui des voix s'élèvent, notamment du côté de l'opposition congolaise, pour dénoncer une incapacité des Nations unies à ramener la paix dans la région. Cet assassinat illustre-t-il un peu cet échec ?

"Oui, on n'avait pas besoin de cet assassinat pour être au courant de cet échec. Cela fait plus de 20 ans maintenant que les Casques bleus sont dans l'est de la RDC, et les violences continuent. On en parle parce que c'est un ambassadeur qui est mort. Mais il y a quotidiennement des violences qui ont lieu et des gens qui sont tués dans l'est du Congo. C'est évidemment un échec pour la Monusco. C'est un échec aussi pour le gouvernement congolais parce qu'il y a aussi des milliers de soldats congolais qui sont stationnés dans le Kivu. Et malgré à la fois la présence de la Monusco et de l'armée congolaise, les milices et les groupes armés continuent de faire régner la violence depuis 20 ans."
 

Le ministre des Affaires étrangères a demandé l'ouverture d'une enquête auprès de l'ONU pour faire la lumière sur la responsabilité de cette attaque. Kinshasa accuse de son côté les rebelles hutus rwandais des Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR), qui réfutent ces accusations. Certaines voix s'élèvent pour dire qu'il s'agirait d'une tentative de kidnapping contre rançon qui aurait mal tourné. D'après vous, arrivera-t-on vraiment un jour à savoir ce qui s'est réellement passé ce 22 février ?

"Oui, il n'est pas impossible qu'on finisse par arrêter des témoins, des gens qui faisaient partie du groupe armé qui a attaqué le convoi et donc on saura ce qui s'est passé. En tout cas, il y avait plusieurs forces armées dans la zone où ça s'est passé. Aussi bien des groupes armés comme les FDLR que des éléments de l'armée congolaise, etc.

Donc, on peut en avoir un paysage. Il est assez facile pour les gens qui travaillent sur la sécurité dans le Kivu d'avoir une connaissance précise de quels étaient les groupes qui étaient sur cette zone ce jour-là ou cette semaine-là. Mais j'espère qu'on finira par arrêter des gens qui ont été directement impliqués dans cette attaque et qui révéleront ce qui s'est réellement passé. Les kidnappings sont fréquents dans cette région depuis maintenant plusieurs années. Donc, ce ne serait pas étonnant que ce soit une tentative de kidnapping qui a mal tourné."
 

Déplorez-vous le fait que finalement, cela prenne de l'ampleur parce qu'un ambassadeur, cette fois ci, était impliqué ?

"Il est évident que quand un conflit dure pendant 20 ans, il attire beaucoup moins l'attention de la communauté internationale et des médias. Donc pas de reportages tous les jours sur ce qui se passe au Kivu. Mais il ne faut pas oublier.

Je pense que c'est très important de le dire à votre antenne que, quotidiennement, les gens sont tués dans cette région du monde et qu'il n'y a pas de paix dans le Kivu. Il y a encore une situation de grande violence et d'une délinquance qui est extrêmement présente."
 

Politiquement, pour Félix Tshisekedi, que représente l'assassinat d’un ambassadeur sur le territoire congolais ?

"Cela fait partie de ses promesses électorales. Donc c'est une promesse qui reste encore à concrétiser. Ça illustre qu'il n'a pas réussi à faire avancer le dossier de la paix dans le Kivu et à stabiliser un peu mieux cette zone qui reste une zone de grande, grande prédation et de grande violence."
 

> Retrouvez l'interview sur Africanews [1].