Publié le 14/03/2021
President Kagame and First Lady Jeannette Kagame received by President of China Xi Jinping and First Lady Peng Liyuan | Beijing, 17 March 2017

Thierry VIRCOULON, dans The Conversation.

Popularisé par l’expression Chinafrique, le développement météorique de la présence chinoise en Afrique depuis vingt ans fait partie des nouvelles réalités géopolitiques.

La Chine est le premier partenaire commercial et le premier bâtisseur du continent, ainsi que le premier bailleur bilatéral de nombreux pays africains. Elle n’est en revanche qu’un modeste investisseur en Afrique et seulement son cinquième fournisseur d’armes… mais demain, peut-être, son premier fournisseur de vaccin anti-Covid.

Alors que quelques pays (Angola, Soudan, Zimbabwe, etc.) et quelques secteurs (hydrocarbures, minerais, etc.) lui ont servi de portes d’entrée économique au début du siècle, en 2021 les entreprises de la RPC sont présentes dans tous les domaines, de l’exploitation forestière à la banque en passant par l’énergie. Répandus du Sénégal au Lesotho, les intérêts chinois sont maintenant extrêmement diversifiés.

Cependant, au bout de vingt ans, la « success story » remarquable et remarquée de la Chine en Afrique a des conséquences qui posent problèmes.

Le risque de la dépendance

Le risque de dépendance économique à l’égard de la Chine est mis en évidence par la question de la dette, qui est sur l’agenda international depuis l’Initiative pour la suspension du service de la dette publique bilatérale.

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La double migration

L’un des paradoxes de la Chinafrique est la double migration. Pendant les vingt dernières années, non seulement des millions de Chinois ont découvert la route de l’Afrique mais les Africains ont aussi découvert la route de la Chine. Mais comme les autres relations sino-africaines, cette double migration est asymétrique : plusieurs millions de Chinois résideraient actuellement en Afrique (entre 300 et 500 000 rien qu’en Afrique du Sud) tandis que seulement entre 300 et 400 000 Africains vivraient en Chine. Si des immigrés chinois sont présents dans tous les pays africains, en revanche les Africains sont très majoritairement concentrés en Chine dans la ville de Guanghzou (Canton) et, plus particulièrement, dans le quartier de Xiaobei.

Le développement d’une économie prédatrice transcontinentale

Le développement d’échanges illicites est la face cachée de l’essor du commerce sino-africain.

Les produits illicites (drogues, espèces protégées, contrefaçons, etc.) et les produits licites commercialisés de manière illicite (bois, minerais, etc.) circulent dans le sillage des échanges légaux entre la Chine et l’Afrique. Dans la première catégorie, ces dernières années les espèces protégées ont fait la une : la demande du marché chinois a conduit à une hausse des prix et donc du braconnage qui met en danger certaines espèces (le cours de l’ivoire brut en Chine avait atteint 1 900 euros le kilo à la mi-2014). La question du commerce de l’ivoire étant devenue une controverse internationale, les autorités chinoises ont fini par l’interdire en 2018. Mais au-delà des éléphants et des rhinocéros, il y a bien d’autres espèces moins emblématiques chassées en Afrique pour le marché chinois, comme les ânes ou les pangolins.

Si les espèces protégées sont exportées d’Afrique vers la Chine, les contrefaçons prennent la route inverse : l’Afrique constitue actuellement l’un des principaux marchés d’écoulement des contrefaçons chinoises, notamment de médicaments.

Les produits licites commercialisés de manière illicite proviennent des secteurs extractifs comme la pêche, l’exploitation pétrolière et minière et la foresterie. En effet, certains de ces secteurs font l’objet de standards internationaux tandis que d’autres peuvent avoir des impacts dangereux sur les populations et l’environnement. En l’absence de contrôles sérieux par les États africains, certaines entreprises chinoises développent des pratiques prédatrices. Ce faisant, elles incarnent le capitalisme sauvage globalisé.

Vers un rééquilibrage des relations sino-africaines ?

La prise de conscience du risque de dépendance économique à travers le problème de la dette, des défis de la double migration (le racisme, le rejet de l’autre) et du développement d’une économie prédatrice dans l’ombre des échanges légaux suscite des interrogations tant du côté chinois que du côté africain.

Après la lune de miel, les relations de la Chine avec des gouvernements africains tiédissent. Certains d’entre eux n’ont pas hésité à annuler de grands contrats (Tanzanie, Sierra Leone, Gabon, etc.) tandis que l’image de la Chine dans l’opinion publique africaine pâlit doucement. Selon l’Afrobarometer [1], en 2020 59 % des sondés estimaient que l’influence de la Chine dans leur pays était positive, contre 63 % en 2015.

Les problèmes spécifiques de la Chinafrique qui émergent traduisent un besoin de régulation des relations multiformes entre ces deux partenaires. Jusqu’à présent, la gestion de ces problèmes a le plus souvent été unilatérale. À l’avenir, la Chine et les pays africains vont devoir mettre en place des mécanismes de coopération pour gérer ces problèmes, faute de quoi leur relation risque de se dégrader lentement mais sûrement.

> Lire l'article de Thierry Vircoulon en entier sur The Conversation [2]