Publié le 20/03/2021

Hugo LE PICARD, auteur d'une tribune dans Jeune Afrique

Produire de l’électricité à partir des millions de tonnes de déchets produites chaque année sur le continent ? Pas si simple, prévient l’universitaire Hugo Le Picard.

Avec l’expansion des modes de vie urbains, la croissance démographique et économique, la quantité de déchets produite en Afrique subsaharienne devrait tripler au cours des trente prochaines années.

Certains y voient une opportunité pour déployer massivement des centrales d’incinération de déchets permettant de produire de l’électricité. Mais cette solution « miracle » néglige en réalité trois spécificités des secteurs électriques et des filières de gestion des déchets subsahariens.

En premier lieu, l’incinération est une technologie peu compétitive dans les deux filières : par rapport aux énergies renouvelables dans le secteur électrique ; et par rapport à l’enfouissement dans le secteur des déchets (même si cela a des conséquences écologiques désastreuses).

Exploitation coûteuse

L’exploitation des centrales d’incinération est en outre coûteuse et demande une expertise pointue pour leur maintenance afin de leur assurer un fonctionnement sans danger.

De plus, du fait des niveaux de développement économique des pays subsahariens, les déchets produits localement sont principalement des déchets organiques, à faible valeur calorifique. Cela en fait un combustible de second rang, ce qui baisse le rendement des centrales par rapport à des pays où les déchets en plastique sont en proportion plus importants, comme c’est le cas par exemple en Europe.

Investissement risqué

Enfin, des inconnues majeures persistent sur la composition exacte des déchets locaux et sur la possibilité d’alimenter en continu les centrales d’incinération. Cela rend ce type d’investissement dans la région particulièrement risqué.

En Éthiopie, par exemple, l’absence de tri et la présence inattendue de gravats parmi les déchets alimentant la première centrale d’incinération du continent, la centrale Reppie, auraient causé des dommages importants.

Cette technologie n’est donc qu’un élément parmi d’autres dans le développement des filières de gestion des déchets et, surtout, est loin d’être une solution miracle.

Le prochain sommet UE-UA en 2021 devrait orienter la réflexion vers un enjeu plus fondamental : comment décorréler la production de déchets de la croissance économique et renforcer l’économie circulaire sur le continent. Ce partenariat pourrait ainsi être utilisé afin de permettre à l’Afrique subsaharienne de réussir là où tous les autres pays industrialisés ont échoué, le meilleur déchet étant celui qui n’est jamais produit.

 > Lire la tribune sur le site du journal Jeune Afrique [1]