Publié le 23/07/2021

Dorothée SCHMID, citée par Virgine Robert dans Les Echos

Après l'Allemagne et l'Espagne, c'est maintenant la France qui traverse une crise avec le Maroc à la suite des révélations de la presse sur la surveillance de dirigeants politiques français.

L'embarras est palpable. Surtout ne pas envenimer le scandale suscité par les révélations Pegasus [1] et le possible espionnage par le Maroc des plus hauts personnages de l'Etat français. L'indignation de certains élus a conduit Jean-Yves Le Drian, le ministre des Affaires étrangères à déclarer mercredi devant le Sénat que « les faits qui sont rapportés, s'ils sont avérés, sont d'une extrême gravité. La France a ordonné des investigations sur leur matérialité. »

Le Maroc, lui, a décidé d'attaquer en diffamation Amnesty et Forbidden Stories devant le tribunal correctionnel de Paris, a annoncé jeudi son avocat Olivier Baratelli. La première audience a été fixée au 8 octobre, mais le procès ne devrait pas avoir lieu avant deux ans.

Ce nouvel épisode risque de miner les relations entre les deux capitales qui, si elles sont solides à bien des égards, sont un peu plus méfiantes. «Il y a une inquiétude des Marocains envers une partie de l'élite française suspectée de bienveillance vis à vis des frères musulmans et de l'Islam politique et de ceux jugés trop proches des milieux algériens, observe Pierre Razoux, de la Fondation méditerranéenne d'études stratégiques. « L'espionnage politique et militaire existe depuis toujours », tempère Frédéric Encel, professeur à Sciences Po, qui estime que les choses finiront par s'apaiser.

Des liens personnels

Car la coopération bilatérale entre Paris et Rabat se nourrit depuis toujours de liens personnels avec une partie de l'élite politique française, mais aussi de rapports économiques et sécuritaires forts. « Les liens ente services de renseignements sont forts en particulier dans la lutte contre le djihadisme au Sahel », observe Frédéric Encel.

Le zénith de la relation a sans doute été atteint durant la présidence de Jacques Chirac. Il a connu un point bas sous la présidence de Hollande avec la convocation du patron de la Direction générale de la surveillance du territoire (DGST) par une juge à la suite d'une plainte d'anciens prisonniers affirmant avoir été torturés dans les geôles chérifiennes. Ce dernier, Abdellatif el -Hammouchi, a depuis été élevé au grade d'officier de la légion d'honneur.

Ces derniers mois, le Maroc n'a pas fait l'économie de crises bilatérales avec l'Allemagne et l'Espagne, rappelle Dorothée Schmid, de l'Ifri.

A Berlin, il a reproché au gouvernement en mars de ne pas reconnaître le Sahara occidental et lui en a voulu de ne pas l'avoir invité à une conférence sur la Libye en 2020. Vis à vis de Madrid, Rabat a critiqué en avril l'hospitalisation de Brahim Ghali, le secrétaire général du Front Polisario, le mouvement indépendantiste sahraoui. Avant de relâcher ses contrôles frontaliers laissant passer 10.000 migrants dans l'enclave de Ceuta [2].

La tentation américaine

« La reconnaissance du Sahara Occidental par l'administration Trump a changé les relations du Maroc avec l'extérieur », observe Dorothée Schmid.

Le rapprochement avec les Etats-Unis s'est confirmé au fil des années. Depuis 2010, le Maroc a diversifié l'origine d'armement lourd, en particulier des bombardiers, rappelle Frédéric Encel. Avec le Canada et le Brésil, les Etats-Unis sont devenus les premiers clients du Maroc pour son phosphate afin de fabriquer des engrais pour des agricultures.

 

> Retrouver l'intégralité de l'article sur le site LesEchos [3]