Publié le 08/09/2021
Main tenant des billets de shillings kenyans

Alexia VAN RIJ

Au Kenya, la corruption résulte d’une confusion des intérêts publics et privés propre aux logiques néo-patrimoniales en place depuis la colonisation britannique. Le facteur ethnique joue un rôle important dans la politique kenyane et il contribue à alimenter un rapport ambigu entre la population et l’élite.

Si les abus des dirigeants sont largement condamnés par les citoyens, nombre d’entre eux font preuve de résignation voire de tolérance face au phénomène, dont ils se sentent paradoxalement parfois bénéficiaires. Dans ce contexte, la lutte contre la corruption apparaît avant tout comme un moyen de discréditer les adversaires politiques auprès des citoyens – pour maintenir son pouvoir – et de rassurer les investisseurs internationaux – pour maintenir sa richesse.

L’étude du cas kenyan nous permet de distinguer deux principaux niveaux de corruption dans le secteur public : (i) la corruption politico-administrative, impliquant des agents publics de haut niveau (ministres, députés, gouverneurs locaux…) et d’autres agents publics ou des acteurs privés, et (ii) la corruption quotidienne, impliquant des agents publics de terrain (policiers, douaniers, employés des aéroports…) et des citoyens ordinaires.

Cette note fait appel au concept de néo-patrimonialisme, développé par le politiste Jean-François Médard en 1991 pour caractériser les gouvernements d’Afrique subsaharienne, et désignant une configuration où l’État, tout en se prétendant moderne, combine normes publiques et normes privées, contrairement à l’État bureaucratique au sens du sociologue Max Weber qui repose sur des règles impersonnelles. Il en résulte la personnification du pouvoir et l’accumulation des ressources (pouvoir, richesse) à des fins privées par un groupe restreint de personnes influentes, à la recherche de leurs intérêts personnels plutôt que du bien commun. 

L’objectif de cette note est de souligner toute la complexité du phénomène de la corruption en analysant ses différentes manifestations dans un cas particulier, le Kenya contemporain, où elle s’inscrit dans un régime politique néo-patrimonial marqué par une politisation forte des appartenances ethniques.