Publié le 17/09/2021

Thomas GOMART, chronique parue dans la revue Études

Il faut toujours s’intéresser à l’idéologie. Le 1er juillet dernier, Xi Jinping a prononcé un discours à l’occasion du centenaire du Parti communiste chinois, qui doit être lu avec attention. Portant une veste Mao, il s’est adressé à la foule au-dessus d’un portrait massif du Grand Timonier sur la place Tian’anmen. Selon lui, au cours du dernier centenaire, le Parti est parvenu à bâtir « la société de moyenne aisance » en éradiquant la pauvreté absolue ; au cours du prochain, il entend « édifier un grand pays socialiste moderne dans tous les domaines ».

Entretemps, interviendra – en 2049 – le centième anniversaire de la naissance de la République populaire de Chine proclamée par Mao Zedong. À cette date, la Chine devra être la première puissance mondiale dans tous les registres.

Évoquant, comme toujours, les humiliations subies au cours du XIXe siècle et invoquant « un processus historique irréversible », Xi Jinping revient sur les conditions de la « révolution socialiste » au cours de laquelle le Parti a toujours fait preuve d’une « confiance en soi et [d’]une volonté d’autoperfectionnement inébranlables ». Cela doit le conduire à « préserver le principe de la consanguinité spirituelle » en vénérant la mémoire de Mao Zedong, Zhou Enlai, Liu Shaoqi, Zhu De, Deng Xiaoping et Chen Yu et en maintenant « la direction ferme du Parti communiste chinois », qui est « la question de vie ou de mort pour le Parti et l’État, ainsi que la clé des intérêts et du destin de notre peuple multiethnique ». Xi Jinping ajoute : « Toute tentative de séparer le Parti communiste chinois du peuple chinois, voire de les opposer l’un à l’autre, est vouée à l’échec ! Les plus de 95 millions de communistes ne l’accepteront pas, pas plus que le plus de 1,4 milliard de Chinois ! » Il appelle ensuite à poursuivre « la sinisation du marxisme », c’est-à-dire à suivre les principes fondamentaux du marxisme et les conditions spécifiques de la Chine afin de faire progresser le développement coordonné des civilisations matérielle, politique, spirituelle, sociale et écologique.

Le discours aborde ensuite la question militaire en rappelant que le Parti doit « commander aux fusils ». L’armée poursuit sa montée en puissance de la manière suivante : « suivre la stratégie militaire de la nouvelle ère ; maintenir la direction absolue du Parti dans l’armée ; et nous engager dans une voie de renforcement de l’armée à la chinoise, en l’édifiant sur le plan politique, en la renforçant grâce à la réforme, aux sciences et technologies et à l’amélioration de la qualité de ses effectifs, et en assurant son administration en vertu de la loi ». Objectif assigné à l’armée : « se hisser au premier rang mondial ». Xi Jinping reprend l’argumentaire selon lequel « le peuple chinois n’a jamais malmené, opprimé, ni asservi d’autres peuples » avant de mettre en garde les forces étrangères : « Quiconque tentera d’agir ainsi se brisera sur la Grande Muraille d’airain que plus de 1,4 milliard de Chinois ont érigée avec leur chair et leur sang ! » Il entend aussi « résoudre le problème de Taïwan et réaliser la réunification totale de la patrie », qui constitue « la tâche historique et immuable du Parti communiste chinois » et « l’aspiration commune de tous les Chinois ».

Ce discours conduit à deux observations principales. En premier lieu, il n’évoque pas la « civilisation écologique ». Or, la protection de l’environnement, qui mobilise des fonds considérables et un soutien institutionnel sans faille à l’innovation technologique, justifie une intensification du contrôle autoritaire à l’intérieur et une promotion du modèle politique chinois à l’extérieur1 [1]. En second lieu, ce discours réaffirme la composante militaire de l’ambition chinoise. Président de la commission militaire centrale, Xi Jinping accélère la modernisation des forces armées chinoises, très rapide, en particulier dans les domaines naval et numérique. En parallèle de ce discours, se développe le concept d’« escalade horizontale » au sein de la communauté stratégique occidentale : en cas de tensions militaires entre la Chine et les États-Unis, les alliés de ces derniers seraient contraints dans leurs zones d’action respectives de contrecarrer l’influence chinoise. Xi Jinping rappelle que le « rêve chinois » est aussi militaire.

1 Yifei Li et Judith Shapiro, China Goes Green. Coercive Environmentalism for a Troubled Planet, Polity Press, Cambridge, 2020.
 
 
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