Publié le 19/09/2021

Marc-Antoine EYL-MAZZEGA, cité par Yohan Blavignat dans L'Express

Des scientifiques viennent d'estimer que près de 60% des réserves de pétrole et de gaz devront rester sous terre pour limiter le réchauffement à 1,5°C d'ici 2050. Mais l'or noir fait encore de la résistance.

Plus de 150 ans après sa découverte, le monde est toujours assoiffé de pétrole. Année après année, le monde en consomme toujours plus. Un glouton qui souffre d'une faim sans fin. Car le pétrole est partout : dans la voiture, le transport routier, aérien, ou encore maritime. Sans oublier d'ajouter à cela, la pétrochimie qui produit le plastique. On estime qu'environ 320 millions de tonnes sont ainsi extraites des profondeurs de la Terre chaque année, un chiffre en constante augmentation depuis la révolution industrielle. Si l'or noir a été le moteur du développement de l'humanité au XXe siècle, son règne touche-t-il à sa fin ? À six semaines de la COP26, l'ONU a alerté vendredi que les engagements déposés par les Etats signataires de l'Accord de Paris mènent le monde à un réchauffement "catastrophique" de +2,7°C. En août, le dernier rapport des scientifiques du Giec mettait déjà en garde contre le risque d'atteindre le seuil de 1,5°C autour de 2030, dix ans plus tôt qu'estimé, menaçant l'humanité de désastres sans précédent. 

Pour parvenir à limiter le réchauffement climatique, les États doivent limiter drastiquement dès aujourd'hui leurs émissions de CO2. Ce qui passe par une réduction de la consommation - et de la production - de pétrole, de charbon et de gaz - sans parler de la lutte contre les émissions de méthane. Selon une étude parue dans la revue Nature, pour rester dans les clous de l'Accord de Paris, il faudrait laisser 60% du pétrole et du gaz dans le sol ainsi que 90% du charbon d'ici 2050. En début de semaine, plus de 2000 scientifiques ont enfoncé le clou, en demandant un traité de non-prolifération des combustibles fossiles, sur le modèle de celui conclu sur les armes nucléaires. L'objectif est clair : passer à la vitesse supérieure pour stopper l'emballement du climat. "Si on écoute les experts, il ne devrait plus y avoir d'émissions nettes de CO2 d'ici à 2050 pour limiter le réchauffement climatique, hormis une quantité résiduelle qu'on serait capable de stocker, indique à L'Express Matthieu Auzanneau, directeur du Shift Project, groupe de réflexion sur la transition énergétique, et auteur du livre Pétrole, le déclin est proche. Mais quand on regarde la réalité en face, on n'a pas encore commencé à sortir du pétrole". 

Selon une récente étude parue dans la revue scientifique Cell, le monde comptait 755 raffineries qui émettaient 1,0 gigatonne (Gt) de CO2 pour produire 87 millions de barils par jour (Mbpd) au tout début du XXIe siècle. En 2018, tous ces chiffres avaient augmenté. Le nombre de raffineries était passé à 946, la production à 98 Mbpd et les émissions à 1,242 Gt. Si aucune mesure n'est prise, les chercheurs projettent qu'entre 2020 et 2030, les raffineries de pétrole pourraient continuer à émettre de plus en plus de CO2. Jusqu'à 16,5 Gt ! Des données qui font froid dans le dos quand on se remémore les mots du dernier rapport du Giec : "Les activités humaines sont à l'origine d'un réchauffement de l'atmosphère, de l'océan et des terres. C'est sans équivoque". Étude après étude, les scientifiques montrent la déconnexion entre les accords climatiques de Paris et les plans d'expansion de l'industrie des combustibles fossiles.  

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"On a entamé une phase de déclin de la consommation dans les pays de l'OCDE, mais il est très lent et la hausse de la demande se poursuit dans les pays émergents", relativise Marc-Antoine Eyl-Mazzega, directeur du Centre Energie & Climat de l'Institut français des relations internationales (Ifri).

[...] Selon le chercheur, on assitera certes à une stagnation de la production d'ici à 2030 avant de connaître le déclin vers 2050, mais la production risque encore d'augmenter dans le prochaines années. Mais quelle sera l'ampleur de ce déclin ?

"La question reste ouverte. Si le monde avance vers la neutralité carbone, la baisse sera forte. Si les enjeux économiques l'emportent au détriment des négociations climatiques, elle sera bien moins importante".

 > Lire l'intégralité de l'article sur le site du journal L'Express [1]