Publié le 22/09/2021

Éric-André MARTIN, cité par Marta Garde, de l'agence de presse espagnole EFE (article paru en espagnol)

La « locomotive franco-allemande » dans l’Union européenne a eu au cours des 16 dernières années quatre présidents français et une seule chancelière, Angela Merkel, avec qui les relations bilatérales, maintenant qu’elle fait leurs adieux, ont été marquées par la nécessité d’agir ensemble, malgré leurs différences. 

Les conservateurs Jacques Chirac (1995-2007) et Nicolas Sarkozy (2007-2012), le socialiste François Hollande (2012-2017) et le libéral Emmanuel Macron, actuellement au pouvoir, ont incarné les intérêts français pendant l’ère Merkel, qui prendra fin après les élections fédérales de dimanche prochain.

 

  • « Merkel est arrivée sans avoir une connaissance particulière de la France. Elle admirait beaucoup les États-Unis, mais en assumant ses fonctions, Elle s’est vite rendu compte qu’il était très difficile d’avancer en Europe, pour ne pas dire impossible, sans qu’il y ait un accord entre la France et l’Allemagne », explique l’analyste Éric-André Martin à EFE.
  • Pour Martin, secrétaire général du Comité d’études des relations franco-allemandes (CERFA) de l’Institut français des relations internationales (IFRI), la coopération entre les deux nations transcende ceux qui sont aux commandes, « avec l’élément supplémentaire qu’avec le Brexit, ils sont encore plus responsables de l’avenir du projet européen ».

Mais cette entente publique par laquelle des plans tels que le fonds européen de relance pandémique a été présentés, ou qui a été mis en avant en tant que médiateur dans le dialogue entre Moscou et Kiev, ne marche pas toujours à l’écoute.

« La France a une vision plus axée sur l’efficacité et l’Allemagne préfère que les choses soient faites à 27. La France préfère aller de l’avant avec les pays qui veulent et peuvent s’y joindre et l’Allemagne s’opposait d’abord à une Europe à plusieurs vitesses », explique l’expert Gaspard Schnitzler de l’Institut des relations internationales et stratégiques (IRIS).

 

Quatre présidents et une chancelière

  • Mme Merkel venait d’arriver au pouvoir lorsque Chirac, déjà vétéran, était presque à l’extérieur. Sarkozy avait « un tempérament un peu dominant, mais ils ont trouvé un terrain d’entente », selon Martin ; Hollande est arrivé au pouvoir sur la promesse de renégocier le pacte européen de stabilité, ce qui est inacceptable pour Merkel, et avec Macron, la relation a été lente à démarrer.

« Lorsqu’il a été élu, on s’attendait à ce que, après les années plutôt ternes de Hollande, l’alliance franco-allemande se relance. Mais ces espoirs se sont évanouis. Émotionnellement, une Angela Merkel avec les pieds sur terre a eu du mal à se connecter avec le charmant et jovial Macron », souligne Markus Ziener, expert de la fondation allemande German Marshall Fund.

Berlin, selon lui, a été confronté à l’idée française d’approfondir l’intégration financière européenne avec un budget pour la zone euro, des impôts européens et même un ministre européen des Finances. Et par conséquent, « l’Allemagne est restée trop longtemps ».

La crise de la covid s’est rapprochée des deux pays, lorsque l’Allemagne a donné son accord au paquet de relance de 750 milliards, montrant à nouveau qu’ils sont la locomotive européenne, même s’ils ont besoin du soutien des autres membres pour atteindre une masse critique.

  • Les deux pays sont rejoints par 450 kilomètres de frontière terrestre et une histoire commune qui, avec le départ d’Angela Merkel, se termine « sur une bonne note », selon l’expert du CERFA, mais aussi sur des matières en suspens.

« Merkel a été là où elle devait éviter que le projet européen ne soit endommagé, compte tenu de toutes les crises qui ont traversé, et elle a veillé à avoir de bonnes relations avec la France et à élargir les bases de la coopération, mais elle n’a pas cherché à tirer parti de son ancienneté et de sa majorité parlementaire pour empêcher l’Europe de prendre du retard dans la prochaine crise », soutient.

  • Qu’adviendra-t-il du prochain chancelier ? Il existe quatre coalitions tripartites possibles qui ajouteraient une nette majorité : une alliance entre conservateurs, verts et libéraux ; une entre conservateurs, sociaux-démocrates et libéraux ; l’une entre sociaux-démocrates, verts et libéraux ou l’autre entre sociaux-démocrates, Verts et La Gauche « Une coalition peut un peu paralyser la marge de manœuvre du prochain chancelier parce qu’il faudra faire beaucoup de concessions. La question est de savoir s’il restera un acteur très actif sur la scène européenne ou s’il sera plus occupé dans ses affaires intérieures », ajoute Martin.

La présidentielle française de 2022 pourrait également modifier les ratios de forces. « Mais les intérêts de la coopération sont au-dessus de leurs dirigeants. Je suis convaincu que quelle que soit cette collaboration », conclut l’analyste iris. 

 

Cet article est paru en espagnol « El eje franco-alemán despide con Merkel una relación compleja pero vital [1] », sur le site EFE.