Publié le 06/10/2021

Carole MATHIEU, citée par Jaques Sayagh dans Ouest France

Le prix de l’électricité va grimper, même si l’État essaie de contenir l’envolée. Mais comment l’expliquer, alors que l’électricité nucléaire française est bien moins chère que les prix de gros européens ?

Le coût de l’électricité sur le marché européen de gros a été multiplié par deux depuis le début de l’année 2021. En cause, la flambée des cours du gaz. On vous explique pourquoi ces deux énergies sont liées.

À combien s’élève le prix de l’électricité au tarif réglementé ?

À 19 centimes d’euros le kWh, en moyenne. Soit une facture annuelle de 1 548 € pour un client abonné à une offre « heures creuses-heures pleines » et consommant 8 500 kWh. Ce montant devait augmenter de 12 % (186 €) en février 2022, date de révision annuelle des tarifs réglementés de l’électricité. Rappelons que ces derniers sont fixés par la Commission de régulation de l’énergie, une autorité administrative indépendante, et concernent 23 millions de clients d’EDF. Dix autres millions ont souscrit « une offre de marché » (non régulée), auprès d’EDF ou de l’un de ses concurrents.

Que compte faire le gouvernement pour limiter la hausse du tarif réglementé ?

Réduire temporairement une taxe pesant sur l’électricité. Cela limitera la hausse envisagée à 4 % (62 €) pour les abonnés. Cela représente un manque à gagner pour les finances publiques de quatre milliards. Pour les financer, l’exécutif envisage de puiser dans les dividendes que lui verse EDF.

Pourquoi le prix augmente-t-il ?

Pour le comprendre, il faut détailler la façon dont le tarif réglementé est établi. "Il se décompose en trois tiers",décrypte Jacques Percebois, économiste de l’énergie. "Un tiers de taxes, un tiers de coût des réseaux. Et un tiers d’électricité. La hausse du prix se joue dans ce troisième tiers". Pour le calculer, la Commission de l’énergie prend en compte le prix de revient de l’électricité nucléaire. Il est relativement bas (4,2 centimes le kWh). Mais le nucléaire d’EDF ne représente « que » 70 % de l’électricité que nous consommons. Le reste provient d’autres sources d’énergie, d’autres producteurs, voire d’autres pays de l’Union. Car les fournisseurs s’approvisionnent sur un marché européen de gros. Si bien que la CRE inclut aussi, dans son calcul du tarif réglementé, le prix de l’électricité sur ce marché de gros. Il était à 5 centimes le kWh au début de l’année, en moyenne. Il est à 10 centimes aujourd’hui.

Comment s’explique cette flambée des prix de gros ?

À cause du gaz… Pour expliquer cette bizarrerie, il faut se plonger dans les arcanes du marché de l’électricité.

Son prix varie en permanence, souligne Carole Mathieu, chercheuse à l’Institut français des relations internationales. Car l’électricité ne se stocke pas.

Pour fixer le prix, on regarde donc à un instant T la demande d’électricité. Et on aligne le prix sur les moyens de production nécessaires pour répondre aux besoins.

S’il faut, pour couvrir les besoins, utiliser le moyen le plus cher, c’est-à-dire les centrales à gaz, le prix s’alignera sur ce mode de production, poursuit Carole Mathieu.

Or, le gaz flambe actuellement en raison de la forte reprise économique. Mercredi, il a grimpé de 35 % sur les marchés en début de séance, avant de s’apaiser. Mais les prix de l’électricité vont croître dans son sillage.

Que fait l’État ?

La France demande à ses partenaires européens de revoir les règles du marché. "Cet alignement des tarifs de l’électricité sur le gaz n’est pas le bon moyen de fixer le juste prix", déclare Bruno Le Maire. Le très libéral ministre de l’Économie se détournerait-il du marché ? "On ne peut pas à la fois dire : on veut faire l’Europe. Et de l’autre, revenons à des prix fixés par le gouvernement français", s’interroge Jacques Percebois.

Carole Mathieu opine : "Ces règles datent de la libéralisation du marché de l’énergie dans les années 2000. Cela nous a permis de bénéficier de prix raisonnables et d’un approvisionnement efficace. Faut-il aujourd’hui casser le thermomètre ? D’autant que cette hausse est conjoncturelle. On s’attend à une détente sur les prix au printemps.

Qu’en disent les autres pays ?

Quatre États de l’Union (l’Espagne, la République tchèque, la Grèce et la Roumanie) ont rejoint la France pour réclamer une réforme du marché de gros : "Il doit être amélioré pour mieux faire le lien entre le prix payé par les consommateurs et le coût moyen de production de l’électricité dans chaque mix national." De leur côté, l’Allemagne et les Pays-Bas mettent en garde "contre des mesures extrêmes", invoquant une situation temporaire liée à la sortie de la crise sanitaire. Encore une fois le clivage nord-sud…

 > Lire l'article sur le site du journal Ouest France [1]