Publié le 17/03/2022

Thomas GOMART, cité par Catherine Chatignoux dans Les Echos

Impliquée, pro-active, audacieuse, arrogante, les adjectifs ne manquent pas pour qualifier la politique extérieure du président sortant. Si l'Europe, sa terre de prédilection, s'est laissée gagner par son influence, sa gestion des affaires du monde se révèle plus inégale.

« Merci de m'avoir tant appris », confiait en ce 3 novembre 2021 Emmanuel Macron à la chancelière Merkel en la recevant à Beaune pour ses adieux politiques. « Merci d'avoir accepté ce jeune président impétueux qui voulait tout bousculer […] merci de cette patience et de cette indulgence à mon égard. » Rare moment d'humilité pour un président qui a plutôt renvoyé une image d'arrogance durant son quinquennat. Mais qui illustre bien l'intensité que ce président aura mise depuis le premier jour dans sa relation avec l'Allemagne avec la claire intention de la bousculer.

Plans sur la comète

Les premiers temps, son appel à une « refondation de l'Europe », [1] une Europe qui saurait se doter d'une autonomie stratégique pour se départir du duel sino-américain ne rencontre pas un franc succès. Son premier partenaire, l'Allemagne, n'a nul besoin de cette ambition pour tirer profit du projet européen. « Emmanuel Macron a tiré de grands plans sur la comète qui ne rencontraient pas beaucoup d'échos en Europe, mais le contexte géopolitique a servi sa vision d'une Europe puissance », estime Yves Bertoncini, président du Mouvement européen France.

En révélant les lacunes sanitaires, industrielles et sécuritaires de l'Europe, la pandémie de Covid-19 et plus encore l'agression de l'Ukraine par la Russie ont ouvert les yeux des Européens et fait apparaître la pertinence de ses propositions en faveur d'une plus grande indépendance stratégique et d'une véritable puissance économique du continent. [2] Emmanuel Macron s'est ainsi peu à peu emparé du leadership européen que l'Allemagne d'Angela Merkel, quoique première puissance économique de l'Union, avait délaissé par manque d'envie.

Un registre trop naïf

  • « Dans le discours, explique Thomas Gomart, directeur de l'Ifri, Emmanuel Macron affiche une forme de clairvoyance sur l'état du monde qui explique qu'il ait pris très au sérieux les questions militaires alors que la France se désarmait. Il a essayé de faire comprendre à ses voisins européens qu'ils évoluaient dans un registre trop naïf. » Il a fallu la guerre en Ukraine pour les dessiller.

Son coup de maître, c'est l'adoption par les Vingt-Sept en juillet 2020 d'un plan de relance européen de 750 milliards d'euros, inédit par son ampleur et les modalités de son financement, un endettement commun des pays européens.

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Volonté disruptive

Dans l'ensemble, « Emmanuel Macron a eu une approche classique de la politique étrangère française à laquelle s'est ajoutée une volonté disruptive visant à restaurer une diplomatie à l'influence déclinante », analyse Thomas Gomart.

Ses initiatives personnelles n'ont pas toujours été bien inspirées. Au Liban, [3] sa prétention à vouloir régler à distance une crise qui le dépassait complètement s'est soldée par un fiasco. « L'échec est apparu d'autant plus patent que son implication était forte », souligne Frédéric Encel. 

Le jeune président a fait preuve d'« un volontarisme qui s'est souvent manifesté de façon solitaire, au point d'irriter ses partenaires », constate aussi Thomas Gomart.

Un président « engagé et pro-actif » pour les uns, trop « audacieux » et « arrogant » pour les autres, mais qui a sans doute redonné à la France un peu d'audience et d'influence dans le monde.
 

> Lire l'article sur le site des Echos [4]