Publié le 03/02/2021

Mathilde VELLIET, interrogée pour Atlantico.

Alors que Joe Biden pourrait revenir sur l'accord commercial entre les Etats-Unis et la Chine, le mandat de Donald Trump aura été marqué par une stratégie offensive vis-à-vis des autorités chinoises. Quel est le bilan de la politique de Donald Trump sur le front de la guerre commerciale avec la Chine ?

Atlantico.fr : Donald Trump a présenté son plan de guerre commerciale avec la Chine afin de rétablir la balance commerciale entre les deux pays. Il visait à mettre à genoux la Chine en imposant des droits de douane de 25 % des importations sur de nombreux produits. A-t-il réussi à atteindre ses principaux objectifs économiques ? Y-a-t-il eu des éléments de réussite du côté américain ? [...]

Mathilde Velliet : L’escalade tarifaire de 2018-2019 lancée par l’administration Trump a effectivement permis la signature d’un accord en janvier 2020 : l’accord de Phase Un, par lequel la Chine s’engageait notamment à acheter 200 milliards de dollars supplémentaires de biens et services américains d’ici fin 2021. Mais cette réussite est très relative, d’abord car ces concessions chinoises ont été obtenues au prix de dommages collatéraux importants côté américain, et ensuite car elles sont loin d’avoir été respectées depuis la signature de l’accord. En partie à cause de la pandémie, les chiffres des achats chinois de biens américains en 2020 sont en effet largement inférieurs à ce qui avait été conclu : ils ne représentent que 58 % des objectifs à un an. Il est toutefois trop tôt pour juger des conséquences à long terme de cet accord, qui pourraient être plus positives sur d’autres volets comme la propriété intellectuelle ou les transferts forcés de technologies.

Comment s’est portée l’économie Américaine durant ces batailles commerciales ? Les entreprises du pays ont-elles récupéré plus de marchés ? Les salariés et les consommateurs ont-ils éprouvé le conflit ? [...]

Mathilde Velliet : Plusieurs études ont montré que ce sont principalement les entreprises et les consommateurs américains qui ont payé les frais des tarifs douaniers. On estime que la guerre commerciale a fait perdre environ 300 000 emplois américains, et 1700 milliards de dollars aux actions des entreprises américaines. Certains secteurs, comme l’agriculture, ont été particulièrement touchés par les représailles chinoises qui leur ont fait perdre presque totalement leur accès au marché chinois en imposant des tarifs douaniers très élevés. Bien sûr, certaines industries (notamment de l’acier et l’aluminium) ont largement bénéficié des nouveaux droits de douane, mais la guerre commerciale n’a pas provoqué de rebond de l’industrie manufacturière américaine, comme l’avait promis Trump.

Au final, au regard des chiffres économiques, la Chine sort-elle victorieuse de cet affrontement ? Y a-t-il d’autres bénéficiaires plus indirects ? [...]

Mathilde Velliet : La Chine ne sort pas véritablement victorieuse, juste moins perdante ! Certes, elle a pu en partie compenser la baisse des exportations vers les États-Unis en augmentant ses ventes vers d’autres pays. Mais cette guerre tarifaire s’est ajoutée aux autres facteurs contribuant au ralentissement de la croissance économique chinoise. Elle a aussi entraîné une dépréciation du renminbi par rapport au dollar, et une forte baisse du marché boursier chinois. De plus, certaines entreprises chinoises comme Huawei ou ZTE ont subi de lourdes pertes financières, étant privées de composants essentiels venant des États-Unis ainsi que de l’accès au marché américain.

Les véritables gagnants sont plutôt les territoires vers lesquels Washington et Pékin ont réorienté leurs échanges, comme le Vietnam (qui a vu ses exportations vers les États-Unis augmenter de 35 %), Taiwan, ou encore le Mexique.

La guerre commerciale a-t-elle fait évoluer les relations diplomatiques sino-américaines ? Quelle est la situation aujourd’hui ? L’arrivée de la nouvelle administration démocrate va-t-elle changer la donne ? [...]

Mathilde Velliet : La guerre commerciale lancée par Trump représente certes une rupture radicale dans la forme – sanctions unilatérales et massives, rhétorique très agressive envers le « voleur » chinois, interdiction de certaines entreprises chinoises aux États-Unis – mais pas un changement de paradigme. Elle est une méthode nouvelle de réponse à des griefs anciens, formulés par les États-Unis depuis deux décennies et aujourd’hui dénoncés avec vigueur par les Démocrates comme les Républicains.

L’administration Biden représentera sans aucun doute un changement de style, avec une approche plus structurée et une volonté d’impliquer davantage les alliés américains et les organisations multilatérales (comme l’OMC). Mais elle conservera une ligne dure vis-à-vis de la Chine, soutenue tant par l’inquiétude bipartisane sur le sujet au Congrès que par l’opinion publique américaine. Plusieurs membres de la nouvelle administration - comme Anthony Blinken (Secrétaire d’État) ou Kurt Campbell (responsable de l’Asie au sein du Conseil de Sécurité Nationale) – ont d’ailleurs déclaré que Trump avait raison dans son diagnostic des pratiques prédatrices de la Chine et dans son approche plus ferme envers Pékin. Durant la campagne, Joe Biden avait d’ailleurs refusé de s’engager à lever les barrières douanières encore en place – et il ne l’a toujours pas fait. Un retour au business as usual est donc peu probable.

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