Publié le 16/06/2022
© Kittirat Roekburi/Shutterstock

Aurélien REYS, Vincent BOS

Au début des années 2010, la menace d’une pénurie mondiale a transformé le deuxième élément le plus abondant de l'univers, l’hélium, en une rareté industrielle.

Ce gaz léger et incombustible possède, en effet, de nombreuses applications dans divers secteurs : la santé (imagerie par résonance magnétique – IRM), l’électronique (fibre optique, semiconducteurs), la recherche scientifique, la plomberie (soudures et détection de fuites), l’aéronautique ou encore les loisirs (ballon dirigeable, plongée sous-marine). Longtemps produit à titre quasi exclusif par les États-Unis, un soudain tarissement de l’offre dans un contexte d’accroissement continu de la demande – tirée par l’essor des besoins des industries de l'électronique et des économies asiatiques notamment – a brusquement bouleversé les chaînes d’approvisionnement. Ces évolutions ont principalement profité à des États gaziers qui ont recomposé, en à peine quelques années et de concert avec une poignée d’entreprises, les équilibres qui avaient structuré un siècle durant la géographie de la production et du commerce de la ressource.

Naviguant de part et d’autre du seuil de criticité, en raison de sa relative rareté et de son importance pour nombre de secteurs économiques, l’hélium constitue un objet au croisement de relations de puissance qui nourrissent les alliances entre acteurs économiques et entre États. Ce briefing analyse les enjeux économiques qui y sont liés, les recompositions des chaînes de valeur globales et les difficultés rencontrées par les États européens à s’accorder sur une politique commune de sécurisation de leurs approvisionnements en matières premières.

  • Longtemps freinée par l’inertie de structures productives héritées de la guerre froide, l’internationalisation de la production de l’hélium s’est accélérée suite à la crise des approvisionnements des années 2010.
  • Portée par des acteurs publics et privés du secteur gazier, cette dynamique s’est aussi réalisée sous l’influence d’une croissance de la demande des industries de l’électronique et de la forte croissance des économies asiatiques.
  • Le déplacement du barycentre du réseau de production et des échanges vers l’Asie devrait se renforcer au cours des prochaines années, allant de pair avec la montée en puissance probable de la Russie parmi les producteurs et de ses exportations vers la Chine.
  • L’émergence de ces nouveaux schémas productifs a certes permis à l’Europe et à la France de diversifier leurs importations, mais pas encore suffisamment pour sécuriser leurs approvisionnements et maintenir la ressource hélium à une distance raisonnable du seuil de criticité.