Publié le 28/06/2022
Champs de blé et fond portuaire

Thierry POUCH, Marine RAFFRAY

L’agriculture est un domaine d’importance stratégique, où l’entraide et la compétition alternent entre les États-Unis et l’Union européenne (UE).

Dans l’immédiat après-guerre, les États-Unis sont venus à l’aide de l’Europe en exportant de précieuses denrées alimentaires. Avec la naissance du marché commun et la mise en place de la Politique agricole commune (PAC), qui crée des mécanismes que l’on pourrait qualifier de protectionnistes, la dépendance européenne s’est peu à peu réduite. Les États-Unis ont cependant imposé à l’Europe, lors du Dillon Round, des importations de soja conséquentes (graines et tourteaux) qui vont nourrir les élevages européens.

À partir des années 1970, l’UE devient une puissance agricole exportatrice, et dépasse les États-Unis. Au travers des différents cycles de négociation de l’Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (GATT) puis de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), les deux ensembles géographiques se livre une concurrence sans merci à coups de subventions. Les Accords de Marrakech en 1994 engagent une accalmie temporaire.

En 2013 commencent de vastes négociations pour un accord de libre-échange transatlantique (Partenariat transatlantique de commerce et d'investissement [TTIP], dit aussi TAFTA). Côté américain, elles sont menées parallèlement à des négociations pour un accord similaire sur le versant pacifique, l’Accord de partenariat transpacifique (TPP). Mais la question des « indications géographiques » des produits et la méfiance des opinions publiques envers les Mécanismes de règlement des différends entre investisseurs et États (RDIE) empêchent toute avancée sur le TTIP. L’arrivée à la Maison-Blanche du président populiste Donald Trump sonne le glas des négociations, sans espoir de redémarrage avec son successeur démocrate Joe Biden.

Un déséquilibre subsiste : lors de la guerre tarifaire entre la Chine et l’administration Trump (2017-2019), les Européens sont venus au secours de la filière soja américaine en doublant leurs importations. Au même moment, les États-Unis s’en prenaient à l’UE à propos de subventions supposées aux olives espagnoles, puis en imposant des taxes importantes sur les vins européens dans le cadre du contentieux Boeing-Airbus. Aujourd’hui, le Secrétaire à l’agriculture américain Tom Vilsack critique le vaste projet européen du Green Deal et défend une position bien différente, celle du « développement durable de la productivité » et de la poursuite du recours à un éthanol à base de maïs.

La situation pourrait-elle s’arranger aujourd’hui ? Il serait bien temps de construire un bloc occidental pour parer aux risques de crise alimentaire mondiale liés aux agissements de la Russie et à la guerre en Ukraine.