Publié le 21/09/2022
La Russie teste un nouveau missile balistique intercontinental à capacité nucléaire Sarmat, 20 avril 2022

Jean-Louis LOZIER, cité par Pierre Alonso dans Libération

Le président russe a de nouveau agité le spectre de l’arme atomique avec des menaces situées «un cran au-dessus» lors son allocution télévisée de mercredi matin, selon des spécialistes de la dissuasion. 

«Nous utiliserons certainement tous les moyens à notre disposition pour protéger la Russie et notre peuple», a-t-il averti à la fin de son discours dans une allusion claire au feu nucléaire. Et précisant même : «Ce n’est pas du bluff.» Il s’est ensuite fait plus explicite : «L’intégrité territoriale de notre patrie, notre indépendance et notre liberté seront garanties, par tous les moyens à notre disposition. Et ceux qui tentent de nous faire chanter avec des armes nucléaires doivent savoir que la rose des vents pourrait se retourner contre eux.».

«Sanctuarisation agressive»

  • Ces déclarations se situent «un cran au-dessus» par rapport aux précédentes, juge Jean-Louis Lozier, conseiller du centre des études de sécurité de l’Institut français des relations internationales et ancien haut responsable de la dissuasion nucléaire française : «Elles montrent qu’il est en train de perdre, et il durcit donc son propos.».

Depuis le début de l’année, le chef d’Etat russe a en effet multiplié les «signalements stratégiques» : rappel solennel que la Russie est une «puissance nucléaire», tirs de missiles de son arsenal nucléaire lors d'un exercice militaire d'ampleur, mise en alerte de ses forces stratégiques peu après le lancement de l’offensive à grande échelle contre l’Ukraine, avertissements verbaux sur une «riposte foudroyante» en cas de «menaces inacceptables» pour la Russie. Joignant le geste à la parole, le Kremlin a même fait appareiller six sous-marins porteurs de l’arme atomique (deux dans le Pacifique et quatre à Mourmansk) peu après le 24 février.

  • Selon Jean-Louis Lozier, cette posture relève de la «sanctuarisation agressive» : «profiter de la protection offerte par son arsenal nucléaire pour gagner en puissance relative à l’échelle d’une région en affaiblissant ses voisins, voire en les attaquant directement.»

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«Ne le faites pas, ne le faites pas, ne le faites pas»

Si ces interrogations n’ont pas de réponse définitive à ce stade, le spécialiste souligne que l’emploi d’une arme nucléaire serait «véritablement une décision qui changerait le monde». Elle briserait un tabou qui tient depuis bientôt quatre-vingts ans, dont seuls les Etats-Unis se sont affranchis, et qui a résisté aux tensions les plus aiguës de la guerre froide. Et si la dissuasion repose in fine sur un homme, Vladimir Poutine, la réalité est plus complexe, pointe le spécialiste de la dissuasion russe Pavel Podvig : «Ce n’est pas comme si Poutine avait un bouton nucléaire sur la table. L’utilisation d’armes nucléaires serait un processus qui impliquerait de nombreuses personnes. L’insubordination directe n’est peut-être pas probable, mais les choses pourraient évoluer de bien des façons.» «L’état-major général et les directions d’armées peuvent agir comme des garde-fous, abonde Pierre Grasser, chercheur et expert de l’armée russe. Ils ont réussi à rapidement dissuader Poutine de poursuivre à Kyiv, en mars.»

  • «S’il faut garder son sang-froid, l’emploi d’une arme nucléaire ne peut être absolument exclu», nuance Jean-Louis Lozier.

D’où les déclarations fermes de Washington dans le cadre de son «dialogue dissuasif» avec Moscou. Interrogé sur ce qu’il dirait à Poutine s’il envisageait cette possibilité, le président américain Joe Biden avait répondu le week-end dernier : «Ne le faites pas, ne le faites pas, ne le faites pas.»

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