Publié le 12/10/2022

Mathilde VELLIET

Dans la lignée de l'intense campagne diplomatique anti-Huawei des administrations Trump et Biden, les Etats-Unis ont promu comme alternative un nouveau concept défini par des architectures de réseau "ouvertes" : l'Open RAN. Au croisement de la géopolitique de la 5G et des standards, quels risques et opportunités présente l’Open RAN pour la souveraineté technologique européenne ?

Le réseau d’accès radio (RAN) est la partie radio d’un système de télécommunications mobiles qui permet la connexion entre un terminal (comme un téléphone ou un ordinateur) et le coeur de réseau. Alors que traditionnellement un seul équipementier (comme Huawei, Ericsson ou Nokia) fournit une solution dite « propriétaire », ou « fermée » pour toute cette partie du réseau, l’Open RAN (Open Radio Access Network) est un concept qualifiant des architectures désagrégées séparant le RAN en plusieurs briques séparées par des interfaces ouvertes. L’objectif est ainsi de permettre à l’opérateur d’acheter ces briques matérielles et logicielles à des fournisseurs variés, en étant libre de choisir pour chaque brique l’option la plus adaptée. Dans un contexte de concentration du marché 5G, dominé par trois grands équipementiers, voire de risque de duopole Ericsson-Nokia avec l’exclusion de Huawei de nombreux pays, les opérateurs télécoms soulignent la flexibilité et la diversification des fournisseurs permise par l’Open RAN, qui permettrait à la fois plus l’innovation et une réduction des coûts. Dans la lignée de leur campagne diplomatique contre les fournisseurs chinois jugés non fiables, les États-Unis ont ainsi activement promu l’Open RAN comme alternative.

Toutefois, l’Open RAN semble loin d’être la panacée pour l’Europe : outre les difficultés qui persistent en termes de maturité, sécurité, performance et transparence du processus de spécification, il risque d’accroître la dépendance européenne aux fournisseurs étrangers. Si Huawei ne fait pas partie des instances internationales travaillant sur l’Open RAN (comme le Telecom Infra Project ou l’Alliance O-RAN), de nombreuses entreprises proches des autorités politiques et militaires chinoises en font partie. Au-delà de la question de la sécurité des fournisseurs, le lobbying américain est lié à l’opportunité commerciale que représente l’Open RAN pour les entreprises américaines, leaders dans le cloud, le logiciel et les composants matériels génériques… alors qu’elles ne comptent pas de grand équipementier champion de la 5G. L’Open RAN est ainsi un enjeu au croisement de la géopolitique de la 5G et des standards, auquel l’Union européenne commence à apporter une réponse politique et analytique commune, malgré la diversité des positions entre les États membres.

 

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