Publié le 30/01/2023

Thomas GOMART, cité par charles Haquet et Cyrille Pluyette dans L'Express

A peine les chars lourds promis aux Ukrainiens, la prochaine étape est déjà sur la table : les avions de combat. Les Néerlandais se disent prêts à en fournir à Kiev, la France ne l’exclut pas (tout en se montrant prudente) et la Maison-Blanche indique que le sujet serait discuté "très attentivement".

Certes, Joe Biden s’est dit récemment opposé à l’envoi de F-16 en Ukraine. Mais pour combien de temps ? Une à une, les lignes rouges que les Occidentaux s’étaient fixées au début du conflit sont tombées. En sera-t-il de même, bientôt, pour les missiles de longue portée, réclamés depuis longtemps par Kiev ?

Si ces effets d’annonce sont spectaculaires, les livraisons de chars occidentaux ne devraient toutefois pas changer le cours du conflit. On sait pertinemment à Washington qu’il faudrait bien plus que 31 chars Abrams (sur les 4 000 que l’Amérique a en réserve) pour enfoncer les lignes russes - même s’ils s’ajoutent [1]aux dizaines de chars Leopard allemands que Berlin et d’autres capitales européennes vont transférer aux Ukrainiens.

Que veulent les Américains ? On a le sentiment qu’en donnant des armes toujours plus sophistiquées à Kiev, ils cherchent surtout à convaincre Vladimir Poutine qu’il ne peut pas gagner la guerre et qu’il n’a rien à espérer d’une surenchère, tant le prix à payer sera élevé.

Une ligne de crête

Mais l’escalade est déjà en marche et les prochains mois vont donner lieu à de terribles batailles. Pour une raison simple : chacun des belligérants reste persuadé qu’il peut l’emporter. Les Ukrainiens, avec l’aide occidentale. Les Russes, en envoyant des centaines de milliers de nouvelles recrues, "chair à canon" des temps modernes [2], percer les lignes adverses. Habité par le mythe de la Grande guerre patriotique, Poutine est prêt à ce sacrifice. Que pèsent pour lui des dizaines de milliers de victimes par rapport aux millions de Russes tombés face à l’Allemagne nazie ?

On peut donc craindre que le chef du Kremlin ne soit guère sensible aux coups de semonce de Washington. Raison pour laquelle certains pays de l’est de l’Europe, telle la Pologne, poussent pour une aide plus décisive.

Mais l’administration Biden veut aussi "retenir le bras ukrainien afin qu’il n’atteigne pas le territoire russe" avec les armes occidentales, note Thomas Gomart, directeur de l’Institut français des relations internationales. Au risque de déclencher une guerre ouverte avec la Russie. Joe Biden est sur une ligne de crête. Et elle va être de plus en plus difficile à tenir.

 

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