Publié le 05/01/2009

Laurence NARDON

En décembre dernier, le Conseil Relex de l'Union européenne a adopté un projet de 'Code de bonne conduite' dans l'espace. Ce texte signale une prise une main décisive par l'Europe des questions liées à la sécurité dans l'espace, où une course aux armements potentiellement dangereuse commençait à se développer.

Lors de sa session du 8 décembre dernier, le Conseil " Affaires générales et relations extérieures " de l"Union a adopté un projet de " Code de Conduite pour les activités menées dans l"espace extra-atmosphérique ". Discuté par les Etats-membres de l"UE depuis 2007, ce texte signale une prise une main décisive par l"Europe des questions liées à la sécurité dans l"espace.

Depuis le début des années 1960, l"espace est investi par des systèmes de satellites civils et militaires qui participent de plus en plus activement au fonctionnement de nos sociétés. Jusqu"à présent et malgré la multiplication des engins spatiaux de toute sorte, l"orbite de la Terre était restée assez paisible.

Mais depuis les années 1990, le rôle croissant des satellites d'observation, de télécommunication ou de navigation en soutien des opérations de guerre a attiré l"attention sur ces systèmes somme toute assez vulnérables. Il pourrait être assez tentant en effet de détruire ou d"entraver l"action des satellites d"une puissance adverse au cours d"une campagne militaire ou dans le cadre d"une attaque-surprise.

Au lendemain de la première guerre du Golfe et dans le vide stratégique qui a suivi la disparition de l"URSS, les Etats-Unis ont donc décidé d"établir de façon irrévocable leur domination du milieu spatial. Les programmes d"armes anti-satellite (asats) ont été relancés, avec par exemple le projet très complexe de laser en orbite. La possibilité d"utiliser ces technologies dans le cadre de la défense antimissile constituait une raison supplémentaire de les développer. Les Etats-Unis ont par ailleurs désigné la Chine comme leur adversaire le plus probable dans l"espace. Cette dernière avait en effet une rhétorique agressive, promettant la mise au point d"armes antisatellites à courte échéance. Elle a d"ailleurs réalisé un test d"asat en janvier 2007, détruisant à l"aide d"un missile l"un de ses propres satellites de météorologie hors d"usage.

La destruction du satellite chinois a entraîné la diffusion en orbite basse de très nombreux débris, qui sont extrêmement dangereux pour l"ensemble des satellites qui y évoluent. Les opérateurs de satellites commerciaux ont pris conscience du danger et souhaitent que de telles actions ne se reproduisent pas. Mais le test chinois a surtout montré les limites de la posture américaine vis-à-vis de l"espace. En effet, il est sans doute illusoire de chercher à établir une " space dominance ", quels que soient les efforts déployés pour développer des technologies très avancées en orbite. La Chine a montré qu"elle serait d"ores et déjà en mesure d"infliger des dommages considérables aux satellites américains ou autre, au moyen de technologies au sol relativement peu complexes : rayons laser pour aveugler les senseurs, systèmes de brouillage pour interrompre les communications, missiles modifiés pour détruire les satellites en orbite basse. Les puissances de haute technologie se trouvent démunies par rapport à ce type de menace " asymétrique ".

Depuis un an, l"administration Bush a changé d"avis sur le meilleur moyen d"assurer la sécurité des moyens spatiaux américains. Le président Obama a déjà signifié qu"il comptait confirmer cette nouvelle attitude. Mais c"est bel et bien l"Union européenne qui s"affirme comme acteur principal sur cette question. N"ayant pas l"ambition de se lancer dans une course aux armement dans l"espace, les européens ne pourraient qu"être victimes d"une détérioration de la situation en orbite entraînée par la prolifération des asats et des débris. Les présidences italienne, allemande puis française de l"UE ont donc développé et discuté avec les autres Etats-membres un projet de Code de conduite dans l"espace. Le choix d"un Code de conduite, non contraignant d"un point de vue juridique, est une attitude pragmatique, liée au fait qu"un véritable traité serait trop complexe à négocier, se heurtant à la fois à des résistances politiques et des difficultés techniques.

Le Code adopté par le Conseil lundi 8 décembre réunit un ensemble de " Mesures de Transparence et de Confiance ", assez semblable aux mesures des grands accords de contrôle des armement des années 1970. Il engage les Etats à communiquer en amont sur leurs activités dans l"espace : lancements, manœuvres orbitales, opérationalité des satellites, désorbitage, …, de manière à éviter les erreurs d"interprétation qui pourraient dégénérer en ripostes hostiles. Le Code les engage également à ne pas conduire d"activités qui pourraient contribuer à produire de nouveaux débris dans l"espace. Cette mise en garde désigne au premier chef la destruction de satellites par impact cinétique, soit lors de tests d"asats, soit lors d"attaques délibérées.

Le Code européen devrait être maintenant proposé aux autres puissances spatiales, en vue de son adoption par la communauté internationale. Les Etats-Unis ont déjà fait connaître leur intérêt pour cette démarche. L"adoption du Code par le Conseil est donc un succès pour l"Union et pour cette conquête relativement récente de l"Humanité qu"est l"Espace. En proposant au monde de ne pas exporter les actions de guerre à l"espace, l"Europe éloigne le risque d"une escalade dangereuse dans l"avenir. Surtout, il faut y voir le succès de la démarche européenne, qui choisit la voie de la diplomatie dans un domaine où les rodomontades des uns et des autres étaient jusqu"à présent l"usage. Les initiatives de l"Europe en matière de stratégie ont été assez rares jusqu"à présent et le Code de conduite pourrait créer un heureux précédent.