Publié le 01/01/2011

Bruno WEYMULLER

L’arrivée du shale gas aux États-Unis a surpris par son caractère inattendu et la rapidité de son essor. La surprise vient aussi de ce que cette nouveauté concerne une énergie fossile alors que les avancées espérées dans les thématiques énergétiques nouvelles ne sont pas encore décisives. Beaucoup dans l’industrie pétrolière considèrent que la percée technique qui a permis l’exploitation des shale gas est une des innovations les plus importantes des 10 dernières années dans le domaine de l’offre d’énergie.

Toutefois, il est intéressant de revenir plus en détail sur les caractéristiques de cette innovation, pour corriger l’idée d’une percée technologique qui serait apparue récemment mais aussi pour éclairer la nature des barrières qui pourraient retarder sa diffusion internationale.

Au départ il y a eu un progrès dans le domaine du forage. A partir de technologies existant depuis longtemps dans l’industrie pétrolière, les promoteurs se sont attachés à un domaine d’application nouveau, les shale gas, et ils ont travaillé en fait pendant une quinzaine d’années à choisir et optimiser les paramètres opérationnels afin de rendre commercial ce type d’exploitation. Des avancées significatives ont été obtenues au début des années 2000 qui ont permis l’essor de la production mais le progrès technique se poursuit encore aujourd’hui. Toutefois cette amélioration technique qui est à l’origine de l’exploitation du shale gas est de nature très appliquée voire expérimentale ce qui rend la maîtrise de ce savoir-faire difficilement accessible à de nouveaux intervenants ne disposant que d’une compréhension théorique sans pratique concrète, acquise à partir de la réalisation de nombreux forages.

Mais il faut aussi revenir sur l’ensemble des conditions qui expliquent le succès américain. Il s’explique par la réunion très particulière de différentes composantes : bien sûr cette avancée technologique, mais aussi une géologie favorable et très bien répertoriée, un tissu industriel très dynamique de petites sociétés pétrolières qui ont suppléé au désintérêt des grands majors, un régime minier adapté, un contexte règlementaire bienveillant dans la période de démarrage et, last but not least, une évolution positive des prix domestiques du gaz.

L’arrivée des gaz non conventionnels a profondément transformé ces dernières années la situation gazière des États-Unis et les perspectives de production de gaz domestique pour les prochaines décennies ont été revues à la hausse même si de grandes incertitudes demeurent. Cette révolution du shale gas peut-elle se diffuser dans le monde au-delà de l’Amérique du Nord ? Le potentiel géologique est sans doute considérable dans beaucoup de pays, même s’il est beaucoup moins bien connu qu’aux États-Unis. Mais l’exploitation de shale gas est un domaine complexe et très technique. Et les caractéristiques existant aux États-Unis sont difficilement transposables ailleurs. Beaucoup de conditions seront nécessaires pour que ces ressources puissent être valorisées ailleurs, au premier rang desquelles une forte volonté politique, éclairée par une vision de long terme d’une stratégie énergétique. L’Australie et la Chine, avec des contextes différents, semblent les posséder. Cela est beaucoup moins évident ailleurs. Mais en tout état de cause la percée des shale gas, même si elle restait dans la prochaine décennie essentiellement limitée à l’Amérique du Nord et à un petit nombre d’autres pays, devrait impacter les marchés gaziers, les prix du gaz et les flux gaziers dans le monde. À moyen terme, l’apport du shale gas est de nature à favoriser un renforcement de la part du gaz dans le mix énergétique mondial mais l’effet au niveau global sera sans doute d’ampleur relativement limitée.