Publié le 05/07/2011

Laurence NARDON

Coupant l'herbe sous le pied à d'éventuels challengers venus de la gauche de son parti, le président Obama s'est déclaré candidat à l'investiture démocrate début avril. En revanche, le paysage reste flou de l'autre côté de l'échiquier politique : qui fera face au président sortant pour les élections présidentielles de novembre 2012 ?

A la mi-juillet 2011, neuf candidats à l'investiture républicaine sont déclarés. D'une part, les candidats que le New York Times qualifie de " raisonnables ", plutôt modérés et rassembleurs : l'ancien gouverneur du Massachussetts Mitt Romney et le gouverneur du Minnesota Tim Pawlenti, rejoints récemment par Jon Huntsman, ancien gouverneur de l'Utah et ambassadeur des Etats-Unis en Chine jusqu'au mois de février.

De l'autre, les nombreux candidats radicaux, proches du mouvement conservateur des tea parties et qui font feu de tout bois contre le gouvernement, les impôts et, généralement, les engagements militaires à l'extérieur : Michele Bachmann, Rick Santorum, Herman Cain, Gary Johnson et Ron Paul. Newt Gingrich, speaker de la Chambre des représentants dans les années 1990, serait pour sa part sur le point de jeter l'éponge (comme l'ont fait avant lui Haley Barbour, Mitch Daniels, Mike Huckabee et Donald Trump). On cite enfin l'ex-candidate à la vice-présidence en 2008 Sarah Palin et le gouverneur du Texas Rick Perry, candidats non déclarés. Pour beaucoup de ces candidats, la success story de Barack Obama, qui était sorti de l'anonymat très tard dans la campagne pour 2008, reste l'exemple à suivre.

Le candidat définitif des républicains sera consacré lors de la Convention du parti, qui aura lieu l'été prochain, en même temps que la convention du parti démocrate. A partir de janvier auront eu lieu dans chaque Etat les élections des délégués aux deux Conventions, mandatés pour voter pour un candidat particulier : Iowa caucusNew Hampshire primariesSuperTuesday, ... Les types de scrutins diffèrent suivant les Etats, prenant la forme de primaries organisées par les Etats ou de caucus organisés par les partis, de votes réservés aux membres du parti ou ouverts à tous, etc... Ce système complexe évolue en permanence. La dérive en cours consiste pour les Etats à avancer leurs primaires ou caucus le plus tôt possible dans l'année (début janvier lors de la campagne de 2008), afin d'influencer au maximum la suite du processus.

Pour l'heure, dans ce vacarme de pré-campagne, l'opinion publique ne semble pas désigner de favori incontestable à droite. Un sondage dans l'Iowa fin juin donne 23% d'opinions favorables à Mitt Romney et 22% à Michele Bachmann. En troisième position, loin derrière, Herman Cain avec 10%. A moins qu'un challenger ne s'impose, le choix pourrait donc se jouer entre Romney et Bachmann.

Les électeurs républicains les départageront-ils sur des critères d'éligibilité et de sérieux (ce que l'establishment du Grand Old Party -GOP- voudrait bien croire), ou sur leur pureté idéologique ? L'idée qu'Obama va perdre de toute manière est fortement partagée par les républicains. Ils pourraient donc tout à fait voter pour un candidat très extrémiste comme Michele Bachmann. En revanche, les mauvais chiffres de l'économie en juin donnent l'avantage aux candidats réalistes comme Romney, susceptibles de pointer les faiblesses tangibles de la gestion de l'actuel président, et de proposer un programme concret, plutôt que de rester dans la rhétorique.

Romney se positionne en effet comme le candidat le plus solide, qui se concentre sur l'économie. En tant que gouverneur du Massachussetts, il a été jusqu'à présent un républicain plutôt centriste. Le plan de santé qu'il a mis en place dans son Etat, et qui y fait l'unanimité, est le modèle du plan de santé d'Obama, ce qui fait du gouverneur une cible facile pour les républicains plus radicaux. Ses positions changeantes sur l'avortement lui sont également reprochées.

Mitt Romney est par ailleurs mormon (secte chrétienne très particulière née dans les années 1820 et établie dans l'Utah), caractéristique qu'il partage avec Jon Huntsman, son cousin éloigné. Une candidature mormone pose le même genre de problème que la perspective de l'élection du catholique John Kennedy en 1963 : un américain non-protestant peut-il faire un bon président ? Les deux candidats jouent donc un jeu compliqué qui consiste à ne pas afficher leur particularité religieuse pour ne pas effrayer l'Américain moyen, sans toutefois la renier - car être religieux est un gage positif pour un candidat, et les mormons sont des donateurs importants.

Romney est en première ligne, mais souffre d'un charisme assez faible, dont ses adversaires dans la primaire puis dans la campagne pourraient profiter.

Du côté des républicains radicaux cohabitent deux catégories de candidats : d'un côté les conservateurs sociaux, opposés à l'avortement et au mariage gay, parmi lesquels Michele Bachmann, l'ancien sénateur de Pennsylvanie Rick Santorum, et enfin, sur une ligne anti-impôt très populaire, l'ancien PDG de Godfather's Pizza, et seul candidat africain-américain chez les républicains, Herman Cain. De l'autre, les " libertariens ", favorables au moins d'Etat dans tous les domaines, représentés par le texan et libertarien historique Ron Paul, ainsi que par Gary Johnson, ancien gouverneur du Nouveau Mexique, qui appelle à la libéralisation de l'économie, mais aussi de la marijuana, de l'avortement et des flux migratoires.

La nouvelle star de ces radicaux est la représentante du Minnesota Michele Bachmann. Ancienne fiscaliste, mère de cinq enfants et ayant élevé 23 adolescentes placées par les services sociaux, elle adhère à toutes les valeurs conservatrices traditionnelles. Contrairement à Sarah Palin, elle semble plus déterminée à apprendre de ses erreurs (fini les gaffes du début sur le recensement inconstitutionnel, le pays redevenu une nation d'esclave sous Obama ou la grippe porcine causée par les présidents démocrates) et à s'ouvrir sur le reste des Américains pour devenir une candidate rassembleuse. Les observateurs s'entendent cependant pour dire que si elle remportait l'investiture républicaine, Michele Bachmann ne pourrait sans doute pas gagner face à Obama, son profil étant trop radical pour l'ensemble des électeurs du pays.

Obama ne semble donc pas avoir d'opposant très inquiétant pour l'instant. Ses chances d'exercer un second mandat sont plutôt suspendues à l'évolution des chiffres du chômage et à l'attitude de la classe moyenne blanche.