Publié le 21/12/2011

Mathieu PELLERIN

" While we think oil will help, we don’t want to pin all our hopes on it. We believe this is the time for Ghana to take off. But we can only do that through fiscal prudence, by encouraging productive investment and by working hard. "

Ces propos tenus par le président John Atta-Mills résument l’ambivalence de la population autant que celle des autorités ghanéennes face à une manne pétrolière que d’aucuns qualifient d’aubaine. L’avènement d’une rente pétrolifère est synonyme de croissance économique, de développement infrastructurel ou encore de rentrées de devises étrangères.

Dans le même temps, elle confronte le Ghana au phénomène de " malédiction des ressources naturelles ", qui expose les pays pauvres mais riches en ressources naturelles à des aléas économiques, sociétaux et sociaux entravant leur marche vers le développement à long terme. Le Ghana, au regard des conditions favorables de son entrée dans le club fermé des pays producteurs de pétrole, entend battre en brèche ce syndrome quasi téléologique auquel n’ont échappé que quelques États développés (Norvège, Alaska, etc.). Jamais les conditions n’ont été à ce point réunies pour que le pays relève ce défi : un État reconnu internationalement pour sa bonne gouvernance, son environnement des affaires sécurisé et attractif, sa stabilité politique et démocratique, ainsi que sa politique économique qualifiée de saine par les institutions financières internationales.

Dans ce contexte singulier, est-il pour autant raisonnable de qualifier le Ghana de " démocratie pétrolière ", dénomination qui relève plutôt de l’oxymore ? Rien n’est moins sûr. La jeune démocratie ghanéenne doit encore faire étalage de sa maturité, si l’on se réfère aux critères idéaux typiques d’une démocratie libérale de laquelle se réclame le Ghana. L’existence d’une société civile constituée, d’un Parlement fort, la solidité de ses institutions s’érigent en garde-fous pour préserver les acquis démocratiques gagnés depuis 1992 et l’élection de Jerry Rawlings. Face à cela, la permanence de la corruption, le manque d’indépendance de certaines institutions et les interférences partisanes dans le jeu institutionnel (actuellement du parti au pouvoir, le National Democratic Congress [NDC]) fragilisent l’État ghanéen et laissent planer quelques doutes quant à sa capacité à conjurer le resource curse.

Il convient dans un premier temps de retracer le cheminement historique du Ghana vers la démocratie, d’en extraire les avancées autant que les limites à l’orée de l’entrée du pays en production (première partie). Ce cadre établi nous permet d’étudier les conséquences de la manne pétrolière sur la dynamique démocratique, notamment au regard du cadre légal instauré pour gérer celle-ci (deuxième partie). Enfin, il sera question d’étudier la capacité du système ghanéen à relever le défi pétrolier en conjurant la malédiction des ressources (troisième partie).