Publié le 17/01/2012

Jacques LESOURNE

Au fur et à mesure que les semaines passent, il devient possible de mieux cerner les principales incertitudes susceptibles d’affecter l’évolution du système énergétique allemand de 2012 à 2022.

1. L’Allemagne réussira-t-elle à réduire sa consommation d’électricité à un rythme annuel double de celui observé au cours de la décennie précédente ?

2. L’Allemagne réussira-t-elle à installer dans les délais prévus les lignes électriques à haute tension nécessaires au transport de l’éolien de la Baltique ? L’interrogation résulte moins des aléas techniques que des difficultés éventuelles d’acceptation des tracés.

3. L’Allemagne réussira-t-elle à développer au rythme prévu les capacités d’énergies renouvelables qu’elle envisage de créer sur son sol ?

4. Accessoirement, l’Allemagne réussira-t-elle à obtenir une augmentation significative des interconnexions avec ses voisins européens ou entre l’Europe et la rive sud de la Méditerranée ? Un succès faciliterait l’insertion de sources intermittentes d’électricité.

Selon la réponse que l’on donne à ces questions, plusieurs scénarios allemands sont concevables :

Scénario 1. La réponse aux trois premières questions au moins est positive. L’Allemagne atteint en 2022 l’objectif qu’elle s’est fixé, le nucléaire est éliminé et remplacé par les énergies renouvelables, le reste de la demande étant couvert par des centrales à charbon supercritiques et des cycles combinés au gaz. Naturellement, les émissions de gaz à effet de serre sont, au cours de la décennie, sensiblement supérieures à ce qu’elles eussent été sans la décision de sortie rapide du nucléaire, mais peuvent rester dans la limite des engagements pris à Bruxelles, compte-tenu des crédits engrangés dans le cadre de l’EU ETS.

Scénario 2 : l’Allemagne n’atteint que partiellement ses objectifs en terme de baisse de consommation, de développement du réseau de transport intérieur et de développement des renouvelables. Elle augmente l’utilisation du charbon et du gaz pour produire de l’électricité et a recours de manière transitoire et dans la mesure du possible à des importations électriques venant de ses voisins européens et notamment de France.

Scénario 3 : Devant le retard pris par son programme, l’Allemagne, au milieu de la décennie, décide de prolonger la durée de vie des centrales nucléaires restantes sans remettre en cause le principe de la sortie du nucléaire. Ce scénario apparaît aujourd’hui comme peu vraisemblable.
En toile de fond de ces scénarios, l’Allemagne semble avoir l’intention de remplir deux conditions : veiller à ce que la transition énergétique ne compromette pas, par l’augmentation du coût de l’électricité, la compétitivité de l’industrie allemande ; limiter la dépendance de l’Allemagne en matière d’importations d’électricité. Ces intentions sont-elles compatibles avec le scénario 1 ?

Face à ces incertitudes, la France va devoir observer de près l’évolution de la trajectoire énergétique allemande et s’assurer que ses répercussions sur la politique de l’Union Européenne ne nuisent pas à son propre objectif de poursuivre un mix énergétique limitant sa dépendance extérieure (compte tenu de la situation préoccupante de sa balance commerciale) et maintenant un coût faible de l’électricité pour ses ménages et ses entreprises.