Publié le 08/04/2015

Laurence NARDON

C’est en avril qu’Hillary Clinton devrait annoncer sa candidature aux présidentielles de 2016. Côté républicain, l’abondance de candidats promet une primaire longue et féroce. Côté démocrate, la candidate ne devrait pas avoir de rival sérieux. La championne des démocrates les plus à gauche, la sénatrice du Massachussetts Elizabeth Warren, a maintes fois répété qu’elle ne se présenterait pas. H. Clinton doit néanmoins compter avec une frange de radicaux susceptibles de la chahuter dans son propre parti. Quelle est leur capacité de nuisance dans le paysage politique américain ?

Il est facile de penser que l’extrême gauche américaine est un reflet des Tea Parties qui occupent le côté droit de l’échiquier politique. Les deux tendances représentent chacune 6% de la population en 2014. Mais le rayonnement de cette gauche est limité. D’une part, les idéologies socialistes n’ont jamais su prendre racine dans un pays qui s’est construit à partir des classes moyennes et de la propriété privée. Par ailleurs, depuis Reagan, le balancier des idées politiques semble bloqué du côté des idées libérales et de la limitation du rôle de l’état. Là où les Tea Parties s’adossent à un socle de 31% de conservateurs dans l’opinion publique, les radicaux de la gauche ne peuvent s’appuyer que sur 15% de « progressistes » dans l’opinion.

Cette absence de soutien s’aggrave d’erreurs tactiques. Le mouvement « Occupy Wall Street », qui dénonçait les privilèges fiscaux des 1% les plus riches du pays, a fait beaucoup parler de lui à la fin 2011. Refusant de se structurer de façon hiérarchique, il n’a pas su s’installer dans la durée.

Pourtant, certains candidats savent faire entendre leurs idées. Il y a eu Zephyr Teachout qui, en septembre dernier, s’est présentée aux primaires démocrates pour les élections gouvernatoriales de New York sur un programme radical axé contre la corruption. A la surprise générale, elle a fait un score très honorable contre le gouverneur sortant (et finalement réélu) Andrew Cuomo. Le maire de la ville Bill de Blasio, élu en novembre 2013, vient également de la gauche du Parti démocrate.

Les élections municipales de Chicago sont un autre exemple. Le maire sortant, Rahm Emanuel, ancien chef de cabinet du président Obama, élu sur un programme de réformes budgétaires, a été mis en ballotage en février, une première dans l’histoire de la ville. Soutenu par les Latinos, son adversaire Jesus « Chuy » Garcia se présentait comme le candidat « des petits contre les gros », faisant campagne pour l’augmentation des impôts des plus riches et l’arrêt des réformes. Rahm Emmanuel l’accusait de vouloir en réalité protéger les intérêts acquis des enseignants, pompiers, et autres fonctionnaires de la ville défendus par leurs syndicats. Au lendemain du second tour, le 7 avril, Emanuel l’emporte, mais Chuy a quand même réuni 44% des électeurs sur son nom.

Les militants de l’aile gauche du Parti démocrate défendent plus d’intervention de l’état et plus de redistribution sociale, sur une ligne volontiers populiste. Le problème de la dette étudiante (mille milliards de dollars en 2014) et l’accès au logement des plus pauvres sont des sujets clefs. Elisabeth Warren, pour sa part, concentre son action sur la réforme du secteur financier, grand responsable de la crise de 2008. Elle défend la mise en œuvre de la loi Dodd-Frank qui vise à protéger les consommateurs contre les crédits toxiques et à recréer une barrière étanche entre banques de dépôts et banques d’investissement. Pour elle, les démocrates centristes tels qu’Obama et Clinton sont coupables de collusion avec les grands banquiers de Wall Street au même titre que les républicains.

Les élections de Chicago sont apparues comme un test en grandeur nature de la campagne présidentielle pour 2016, voyant les différents courants démocrates accourir de tout le pays pour financer et soutenir leur poulain. Le bon score de Chuy relance la question des concessions que la candidate Clinton devra faire à cette frange limitée mais bruyante de son électorat. Pire, si jamais H. Clinton, affaiblie par l’affaire de ses emails personnels ou par un problème de santé, ne pouvait se présenter, il faudrait désigner en catastrophe un autre candidat démocrate. Une radicale comme E. Warren pourrait alors se laisser tenter. Elle n’aurait a priori aucune chance d’être élue en novembre 2016. Mais contre un candidat Tea Party multipliant les maladresses politiques, que pourrait-il alors se passer ?