Publié le 04/09/2015

Gérard-François DUMONT

Les données disponibles sur les migrations internationales mettent en évidence une incontestable croissance. Faut-il l’interpréter comme une simple accentuation d’une tendance longue ou comme le résultat de facteurs nouveaux ? Pour répondre à cette question, il convient d’abord de cerner la réalité, et donc de prendre la mesure du phénomène, ce qui permettra d’en préciser les principaux ressorts.

La connaissance du nombre d’immigrants dans le monde provient des estimations de l’ONU qui reposent sur une définition précise, l’immigrant étant une personne qui vit dans un autre pays que son pays de naissance depuis au moins un an. L’ONU indique donc 231,5 millions d’immigrants en 2013 contre 154,2 millions en 1990, soit une hausse de 50 %. Comme, dans le même temps, le nombre d’habitants dans le monde s’est accru de 35 %, il apparaît que le taux de croissance de l’immigration est supérieur à celui de la population mondiale. Cette croissance s’est-elle traduite par une réorientation globale des destinations des migrants ? Nullement. En 1990, une petite moitié des immigrants, soit 53 % d’entre eux, résidaient dans les pays les plus développés. Au fil des années, ce pourcentage est passé à 58,6 %. En conséquence, même si la migration Sud-Sud est importante, elle demeure moins élevée que celle qui part d’un pays du Sud et a pour destination un pays du Nord. En revanche, la géographie des guerres et des conflits civils se traduit, surtout depuis la fin des guerres dans l’ex-Yougoslavie, par un plus grand nombre de réfugiés dans les pays du Sud que dans les pays du Nord.

L’examen des douze pays comptant le plus grand nombre d’immigrants est d’autant plus justifié que ces pays cumulent, à eux seuls, 56 % des immigrants dans le monde. Les chiffres mettent en évidence la pérennité du « rêve américain », avec en 2013, 45,8 millions d’immigrants aux États-Unis (soit près d’un cinquième du total mondial), très largement devant la Russie et l’Allemagne. Cette importance considérable des États-Unis dans le système migratoire mondial tient à la permanence de leur attraction pour tout type de population de toute origine géographique. Dans la concurrence mondiale pour attirer les meilleures ressources humaines, les États-Unis demeurent les plus fascinants, pouvant offrir un cadre de travail, des moyens logistiques ou des réseaux professionnels sans équivalents, y compris pour des personnes qualifiées de pays du Nord comme la France. Cette attractivité s’explique aussi par les caractéristiques institutionnelles des États-Unis, à la fois stables et favorables à la liberté des individus et à l’entreprenariat. C’est pourquoi les 3 États-Unis représentent une terre d’accueil pour de nombreuses personnes insatisfaites de leur pays d’origine, et qui recherchent en même temps la paix et la liberté.

Une version abrégée de ce texte est parue dans : Thierry de Montbrial et Dominique David (dir.), Ramses 2016, Paris, Ifri-Dunod, 2015.