Publié le 08/04/2018

Clélie NALLET, entretien paru sur Le Monde, propos recueillis par Sophie Motte

La chercheuse au Centre Afrique subsaharienne de l'Institut français des relations internationales constate, dans un entretien au "Monde", que le concept de ce groupe intermédiaire est flou et diffère beaucoup selon les pays.

Clélie Nallet, chercheuse au Centre Afrique subsaharienne de l’Institut français des relations internationales (IFRI), travaille depuis 2010 sur le concept de « classe moyenne africaine » et a réalisé une étude empirique sur ce sujet en Ethiopie.

Existe-t-il aujourd’hui un consensus sur la définition de « classe moyenne africaine » ?

Non. Ce n’est d’ailleurs pas propre au continent africain. Le terme de « classe moyenne » en général est polysémique, ambigu. Il a été projeté sur le continent africain de l’extérieur. Aujourd’hui, nous nous retrouvons avec une catégorie qui émerge sans que nous sachions précisément de quoi l’on parle. Il existe plusieurs types de définitions. Par exemple celle, purement économique, selon laquelle être dans la classe moyenne consiste à avoir un revenu qui se situe au milieu à l’échelle nationale. Mais certains intègrent également des critères sociaux, comme le niveau d’éducation.

Peut-on dire qu’il existe une classe moyenne africaine ?

Pas en ces termes. D’abord, ce serait une erreur de parler à l’échelle continentale, car les situations sont très diverses en fonction des pays et à l’intérieur même des pays. Les capitales vont concentrer un certain nombre de richesses économiques, alors que d’autres zones vont être beaucoup moins bien dotées. Un certain nombre d’acteurs aimeraient faire exister la classe moyenne pour des raisons économiques et politiques. Mais c’est très compliqué de globaliser. Je ne dis pas qu’il n’y a pas de classe moyenne en Afrique, mais qu’il n’y a pas, aujourd’hui, une unique classe moyenne africaine.

Le terme lui-même pose problème. Il donne l’impression d’un groupe social stabilisé, alors qu’il n’en est rien. On est beaucoup plus sur des flux, avec des trajectoires sociales qui se croisent et forment un ensemble flou. D’ailleurs, dans la plupart des langues africaines, cette expression ne fait pas sens.

Lire l'article sur LeMonde.fr [1]