Publié le 25/05/2018

Tatiana KASTOUEVA-JEAN, citée par Clément DANIEZ dans L'Express

Après les calomnies contre le candidat Macron, les organes proches du Kremlin se montrent respectueux envers le président.

Grâce à Internet et aux réseaux sociaux, il fut un temps pas si lointain où la Russie exportait les calomnies et les "fake news" sur Emmanuel Macron avec autant d'efficacité que le gaz dans ses pipelines. Alors qu'il a débuté ce jeudi une visite officielle de deux jours à Saint-Petersbourg, la ville de Vladimir Poutine, le président français n'ignore pas que c'est d'ici que sont parties les rumeurs les plus malveillantes qui l'ont visé lors de son accession au pouvoir.

Et maintenant ? Plus aucun allusion à la supposée homosexualité du président français, ni de soupçons sur un prétendu compte caché dans un paradis fiscal. Les piques sur la différence d'âge entre Emmanuel Macron et sa femme Brigitte, elles aussi, se font plus rares. Le Moskovski Komsomolets, un quotidien à très grand tirage, va même jusqu'à évoquer une "épatante épouse" à la faveur de la visite du jour, en soulignant qu'elle porte des minijupes pour mettre en valeur ses longues jambes.Les médias les plus virulents semblent s'être alignés sur le légalisme du maître du Kremlin, qui s'était affiché avec Marine Le Pen pendant la campagne présidentielle, avant de féliciter Emmanuel Macron pour son élection.

Il a fait ses preuves

Le ton est désormais neutre et sérieux. Sur la sulfureuse RT (ex-Russia Today), un expert, Igor Ignatchenko, donne crédit au jeune chef de l'Etat en visite de vouloir jouer les "intermédiaires entre l'Occident et l'Orient", et reconnaît "que la France a un accès particulier au président russe". Aux yeux de la Russie, malgré les divergences nombreuses, il a fait ses preuves. "Contrairement aux Américains, peut-on lire dans le journal Kommersant, Macron comprend qu'avec la Russie, adopter le langage des ultimatums est vain."

En fait, l'accession à la présidence d'Emmanuel Macron a fait disparaître comme par miracle les calomnies. Sa combinaison de fermeté et d'égards envers Vladimir Poutine semble lui valoir un certain respect. Il échange tous les mois par téléphone avec le président russe. Il l'a invité à Versailles moins d'un mois après son arrivée à l'Elysée. A cette occasion, lors d'une conférence de presse commune, il avait fustigé RT et Sputnik, accusés d'être des "organes d'influence" répandant "des contre-vérités infamantes".

Le sens du vent

Il en allait autrement du temps de la campagne présidentielle française, début 2017, quand les médias d'influence pro-Kremlin relayaient un discours fielleux à l'encontre du candidat d'En Marche. "Tout y est passé, rappelle Tatiana Kastoueva-Jean, chercheuse à l'IFRI. Macron n'était pas le candidat préféré des Russes, qui oscillaient entre François Fillon et Marine Le Pen." 

Sputnik, dans l'une de ses déclinaisons internationales, le présentait comme un "agent américain" oeuvrant "dans l'intérêt du marché financier américain en France", avec le soutien "d'un très riche lobby gay". Tandis que Komsomolskaïa Pravda titrait sur le "mari secret" du candidat centriste, et qu'un autre article le traitait de "psychopathe qui déteste la France". Entre les deux tours, les calomnies de certains médias, convaincus que Marine Le Pen pouvait l'emporter, ont encore redoublé d'intensité.

Des propos que tous se gardent dorénavant de relayer. "On retrouve les éléments de langage défendus par la présidence, observe Tatiana Kastoueva-Jean. Ces médias s'adaptent au sens du vent, soufflé par le Kremlin."

 

Retrouver l'article original sur le site de L'Express [1]