Publié le 15/01/2019

Thomas GOMART, interviewé par Pierre-Henri de Menthon pour Challenges

Thomas Gomart, directeur de l'Ifri, publie cette semaine L'affolement du monde (Tallandier). Il revient pour Challenges sur les enjeux du Brexit. 

Challenges - Que va-t-il se passer avec le Royaume-Uni et l'Europe? 

Thomas Gomart - En principe, les négociations devaient être réglées fin mars 2019, mais elles ne le seront pas. Cela génère une incertitude prolongée avec de lourdes conséquences économiques. Il faut surveiller la séquence Brexit-élections européennes de mai ; les deux sont liés, la trajectoire de l'Europe en dépend. A cela s'ajoutent les élections présidentielles en Ukraine prévues fin mars. Il existe un risque de crise politique simultanée et durable de part et d'autre de la Manche pour des raisons différentes. Compte tenu des liens historiques et stratégiques, notamment nucléaires, la France et le Royaume-Uni doivent réinventer leurs relations en dépit du Brexit [1].

Du côté de l'UE, le process de négociation a été conduit de main de maître par Michel Barnier, qui a su maintenir l'unité des 27 sur ce dossier. En revanche, cette négociation a consommé, de part et d'autre, des ressources politiques considérables. De mon point de vue, le Brexit reste une très mauvaise nouvelle économique, financière et stratégique pour l'UE comme pour le Royaume-Uni. Mais la bonne nouvelle, c'est que personne ne songe plus à sortir de l'UE sur un coup de tête. La raison d'être de l'UE est de parvenir à maîtriser les passions politiques entre ses membres. Même si de vives tensions peuvent exister, ces pays ont fait le choix de la coexistence. Le principal bénéfice de l'UE, c'est la paix. Ce n'est pas le cas partout en Europe : il suffit de rappeler la situation de l'Ukraine.

Que penser de la montée du populisme en Europe ?

Le populisme est une technique de prise ou de pratique du pouvoir utilisée par des représentants des élites politiques pour se maintenir ou le conquérir. Le Royaume-Uni du Brexit en fournit un bon exemple avec David Cameron et Boris Johnson. En France, Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon appartiennent complètement aux élites politiques et sociales en dépit de leur discours. C'est d'ailleurs ce que leur reprochent de nombreux gilets jaunes. Aujourd'hui, pour schématiser, il y a, d'un côté, les Savonarole, qui veulent convertir, imposer leurs idées, y compris par la force et qui exploitent l'ignorance. De l'autre, il y a les Machiavel, qui ont une conscience aiguë du tragique de l'histoire, et qui veulent transmettre leur compréhension des mécanismes du pouvoir.

Quid de la relation franco-allemande ? 

Le Brexit crée un tête-à-tête étroit entre Paris et Berlin. Les deux capitales ne parviennent pas à enclencher une nouvelle dynamique en dépit d'un nouveau Traité de l'Elysée. La France a décroché économiquement par rapport à l'Allemagne depuis 2000. Les deux pays ne partagent pas la même vision de l'UE. L'Allemagne privilégie le statu quo, alors que la France rêve toujours d'une Europe puissante. La France, dans le cadre de l'Union est capable de promouvoir une mondialisation ouverte avec des partenaires comme la Corée, le Canada, l'Australie, l'Inde ou le Japon. En outre, Emmanuel Macron souhaite visiblement utiliser sa présidence du G7 pour intensifier les liens entre ce format et des pays africains clés.

Trump est-il vraiment dangereux ? 

La matrice de l'affolement, c'est le démantèlement de l'ordre libéral international auquel se livre Donald Trump depuis son arrivée à la Maison-Blanche.

 

Lire l'interview sur Challenges.fr [2]