Publié le 20/08/2020
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Marc JULIENNE, interrogé par Antonin Marsac pour Lalibre.be

Les deux parties ont convenu d’organiser un appel téléphonique sous peu.” Les mots de ce jeudi du porte-parole du ministère du Commerce chinois Gao Feng sont prudents. Faibles, même. Il faut dire que les tensions entre les États-Unis et la Chine ne se sont pas atténuées.

L’accord signé en janvier où la Chine s’était engagée à acheter pour 200 milliards de dollars de biens ou services américains supplémentaires, histoire de rééquilibrer la balance commerciale, n’a pas été respecté. La pandémie de Covid-19 a freiné les importations. “Les effets de la phase 1 de l’accord n’ont pas été à la hauteur. Le compromis est caduc à cause du Covid-19 et les tensions géopolitiques sont exacerbées”, confirme Marc Julienne, chercheur au centre Asie de l’Ifri (Institut français des relations internationales).

“Le discours américain sur la Chine est de plus en plus dur. D’ailleurs, le secrétaire d’État américain Mike Pompeo ne parle plus de Xi Jinping avec le terme de ‘président de la Chine’ mais ‘secrétaire du parti communiste’. Symboliquement, le ton s’est durci”, ajoute-t-il.

Malgré l’accord de janvier donc, et les récentes déclarations – certes timides – du porte-parole du ministère du Commerce chinois, pour Marc Julienne, la situation ne s’est pas améliorée et n’est pas près de l’être.

“La guerre commerciale, qui a commencé en 2018, a fait place à une guerre technologique en mai 2019 avec le décret interdisant les technologies chinoises (Huawei et ZTE, NdlR) dans la mise en place de la 5G pour les entreprises américaines. Ensuite, c’est une guerre idéologique qui s’est mise en place”, affirme le chercheur.

Selon lui, de plus en plus de critiques sont faites vis-à-vis de la Chine, aux États-Unis comme en Europe. “On pensait, dans les années 1980, quand Thatcher avait rencontré Deng Xiao Ping, que le pays allait s’ouvrir et se démocratiser, mais non. Il a juste profité de la mondialisation. Même avec Internet, le constat est amer, la Chine a plus renforcé les contrôles et la surveillance qu’elle ne s’est ouverte. C’est là-dessus que revient Mike Pompeo désormais”, détaille-t-il.

Économies interdépendantes

Marc Julienne évoque aussi la notion de découplage économique, soit la volonté américaine de se détacher de plus en plus de la Chine. Selon lui, c’est illusoire. Les États-Unis et la Chine restent extrêmement interdépendants. Les taxes mises en place par l’administration Trump ont tenté de rééquilibrer la balance commerciale mais ont aussi pénalisé les entreprises américaines qui importent les matériaux chinois. “Au final, ce sont les entreprises ou les consommateurs américains qui trinquent”, avance-t-il. Idem pour l’interdiction visant Huawei et ZTE. Cela pourrait laisser le champ libre pour les entreprises US mais elles sont trop à la traîne sur la technologie de la 5G. “La pression des États-Unis sur l’Europe est très forte d’ailleurs dans le dossier de la 5G”, ajoute-t-il.

“En parallèle de la bataille avec Huawei, Trump tente aussi de tout faire pour ralentir l’accès de Pékin à la technologie des semi-conducteurs, indispensables pour les smartphones. En concluant des accords avec Taiwan par exemple. Mais la Chine embauche des ingénieurs taïwanais à prix d’or pour rattraper son retard”, avance le chercheur de l’Ifri. Les prises de position de Donald Trump sur l’origine du coronavirus, le bafouement des droits démocratiques du territoire autonome de Hong Kong et les accusations d’espionnage chinois via l’application de vidéos TikTok ont aussi jeté de l’huile sur le feu entre les deux nations.

Quant à l’avenir, le chercheur se montre sceptique. La crise actuelle n’aide pas, les élections américaines qui approchent à grands pas non plus. “D’ailleurs, que ce soit Trump ou Biden qui l’emporte, la situation ne changera pas radicalement vis-à-vis de la Chine. Les conclusions des deux partis sont assez similaires”, conclut Marc Julienne. Reste à voir comment va se dérouler le fameux “coup de téléphone” entre les deux nations.

 

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