Publié le 19/01/2021

Françoise NICOLAS, interrogée par Mathieu Solal pour L'Opinion.

Le projet de traité sur les investissements sur lequel se sont accordés Bruxelles et Pékin le 30 décembre sera publié au plus tard la semaine prochaine, selon la Commission européenne. S’ensuivra un travail de vérifications juridiques et de traduction qui devrait prendre dix mois. Le processus de ratification par le Parlement européen devrait avoir lieu sous présidence française du Conseil de l’UE, au premier semestre 2022.

Un drôle de cadeau de Noël. Présenté par la Commission européenne comme « l’accord le plus ambitieux que la Chine ait jamais conclu avec un tiers », le traité sur les investissements agréé le 30 décembre par Bruxelles et Pékin a provoqué bien plus de critiques que de manifestations de satisfaction. Les concessions obtenues par l’Europe paraissent pourtant tout sauf négligeables : Pékin s’engage à ouvrir à la concurrence et à cesser les pratiques discriminatoires dans de nombreux secteurs de son économie tels que l’automobile, les équipements de télécommunication, ou encore les services financiers. Les entreprises chinoises pourraient aussi désormais être rachetées par des entreprises européennes et une plus grande transparence serait faite sur les subventions.

De quoi rassurer les firmes du Vieux Continent présentes en Chine, qui déplorent leur marginalisation face aux champions chinois. « Les concessions de la Chine sont alléchantes sur le papier. Il faut toutefois demeurer prudent car cela reste des promesses qui, en outre, portent surtout sur des secteurs où les champions sont déjà en position de force », pose le sinologue Jean-Pierre Cabestan, directeur de recherche au CNRS.

« Vu la manière dont la Chine s’est comportée par le passé, on peut avoir des doutes sur sa sincérité. Elle s’est par exemple engagée de longue date à mettre un terme aux transferts de technologie forcés, mais organise une production forcée sur le territoire chinois pour les obtenir de fait », renchérit Françoise Nicolas, directrice du centre Asie de l’Institut français des relations internationales (Ifri).

Pour en arriver là, les Vingt-Sept devront faire preuve de l’unité et du courage qui leur ont jusqu’ici fait cruellement défaut face à Pékin. De ce point de vue, la concrétisation du livre blanc sur les subventions étrangères, présenté l’été dernier par Bruxelles et qui contient des mesures fortes et inédites pour lutter contre la concurrence déloyale sur le marché européen, représentera un test.

Au-delà des doutes sur la sincérité chinoise, les critiques ont surtout fustigé le défaut d’engagement contraignant de Pékin sur l’abolition du travail forcé, alors que le sort des Ouïghours dans la région du Xinjiang n’en finit pas de défrayer la chronique. La Chine se serait ainsi engagée à « mettre en oeuvre efficacement » les conventions de l’Organisation internationale du travail qu’elle a ratifiées, et à oeuvrer à « la ratification des conventions fondamentales de l’OIT, y compris sur le travail forcé », selon le résumé de l’accord publié par Bruxelles.

« OEuvrer à la ratification, ce n’est pas un engagement ferme, estime Françoise Nicolas. Les analystes chinois proches du pouvoir disent d’ailleurs que la Chine ne bougera pas d’un iota sur cette question ».

La déclaration de la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, selon laquelle l’accord d’investissement fournirait « un levier à l’UE pour combattre le travail forcé », n’est que poudre aux yeux, selon toutes les sources interrogées.

 

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