Publié le 23/09/2021

Céline PAJON, citée par Louis Boy et Benoît Jourdain pour France Info

Cette décision soudaine a tendu les relations entre des alliés occidentaux historiques sur le fond de rivalité avec la Chine et d'enjeux stratégiques dans les océans Indien et Pacifique.

Les noces d'or auront fait long feu. En signant un contrat avec l'Australie pour 12 sous-marins à propulsion de type Barracuda en 2016 [1], François Hollande pensait entamer un mariage de 50 ans avec l'île-continent. Cinq ans plus tard, le divorce est déjà consommé depuis que l'Australie a confirmé l'annulation dans la nuit du mercredi 15 au jeudi 16 septembre de ce contrat à 56 milliards d'euros [2], pour se rapprocher des Etats-Unis et du Royaume-Uni, qui vont lui fournir des sous-marins à propulsion nucléaire. Un "coup dans le dos [3]", comme l'a décrit le ministre des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian, que la France n'accepte pas et qui risque de compliquer les relations avec ses alliés historiques. Franceinfo vous explique quelles peuvent être les conséquences diplomatiques de la rupture de ce "contrat du siècle".

Qu'est-ce qui a déclenché cette crise ?

Le 20 décembre 2016, la France signe un contrat de vente à l'Australie de 12 sous-marins construits par la société Naval Group, pour 34 milliards d'euros [1], une somme qui avait depuis gonflé pour atteindre 56 milliards. Cinq ans plus tard, dans la nuit du 15 au 16 septembre 2021, l'Australie décide d'annuler cet accord et d'acheter d'autres sous-marins, nucléaires cette fois, aux Etats-Unis dans le cadre d'un partenariat nommé AUKUS impliquant également le Royaume-Uni.

La France reproche à ses alliés de ne pas avoir été avertie des tractations et n'a pas caché sa colère. Elle a pris vendredi une "décision exceptionnelle", d'après le ministre des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian, en rappelant pour des consultations ses ambassadeurs aux Etats-Unis et en Australie.

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C'est quoi l'Indopacifique ?

Il s'agit d'une zone géographique, qui comme son nom l'indique regroupe l'océan Indien et l'océan Pacifique et qui constitue un nœud du commerce mondial. Ce mot et l'idée même de considérer cette zone comme un vaste ensemble ont émergé au cours des années 2010 chez plusieurs puissances de la région, l'Australie, le Japon ou encore les Etats-Unis, en réaction au projet des "Nouvelles routes de la soie" lancé par la Chine en 2013.

Ce dernier ambitionne de "relier à la Chine toute la zone s'étirant de la Chine vers l'Europe et l'Afrique via des financements d'infrastructures", résume Céline Pajon, chercheuse à l'Institut français des relations internationales (Ifri). Ce projet s'ajoute à une politique "d'expansion maritime forte" dans la région, selon cette experte, parfois au mépris du droit international. C'est pour contrer ces actions que plusieurs puissances ont élaboré des stratégies à l'échelle de l'Indopacifique et renforcé leurs collaborations avec l'Australie à l'instar de la France.

Pourquoi la France est-elle si énervée ?

"Nous sommes une nation de l'Indopacifique", a fait valoir Florence Parly, la ministre des Armées. Avec plusieurs territoires comme Mayotte, La Réunion, la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française, la France compte 1,65 million d'habitants dans la région. C'est d'ailleurs le seul pays d'Europe dans ce cas.

La zone économique exclusive de la France, portion de l'océan qu'elle seule peut exploiter, est la deuxième plus grande au monde grâce à sa présence dans l'Indopacifique. Et ces territoires sont précieux pour les ressources que renferment les eaux qui les entourent, aussi bien en poissons qu'en minerai. Si la France a adopté en 2019 une "stratégie de défense française en Indopacifique" [4], c'est bien pour ses intérêts.

Pour peser, la France a cependant besoin d'alliés. C'est là qu'intervient la vente de sous-marins à l'Australie, qui représentait au-delà de la manne financière un moyen de renforcer les liens entre les deux pays et de doter un partenaire militaire d'équipements performants. La rupture du contrat fragilise cette alliance et marque aussi un rejet de la stratégie française, fondée sur le refus d'une confrontation directe avec Pékin.

"Au départ, l'Australie était plutôt sur notre ligne, remarque Céline Pajon. Mais elle a évolué ces dernières années après des révélations sur l'ampleur des opérations d'influence chinoise sur son sol." Ce qui l'a poussée dans les bras des Etats-Unis, engagés dans une rivalité frontale avec la Chine, qui constituent un protecteur plus puissant.

Lire l'intégralité de l'article sur le site de France Info [5].