Publié le 16/06/2022

Thomas GOMART, interviewé par P.-L. Pagès pour Var-matin

Invité par la Fondation méditerranéenne d’études stratégiques, Thomas Gomart donne ce jeudi soir à Toulon une conférence sur le thème "Des guerres invisibles à la guerre d’Ukraine". Entretien. 

Le directeur de l’institut français des relations internationales est à Toulon ce jeudi 16 juin. Avant de donner sa conférence (1), Thomas Gomart a accepté de balayer l’actualité géopolitique: guerre en Ukraine, conflit de haute intensité, rivalité sino-américaine…

Qu’entendez-vous par guerre invisible?

Les militaires ont perdu le monopole de la guerre. Cette dernière occupe désormais aussi bien le champ économique, que financier, culturel, sociétal ou encore technologique. Ces guerres invisibles, qui visent à contrôler l’appareil productif mondial, à capter les richesses produites, sont plus complexes à analyser car elles mettent en jeu des acteurs étatiques et non-étatiques. Parallèlement, les confrontations confrontations de puissances militaires n’ont pas forcément disparu. Certains pays sont encore prêts à se battre pour des frontières. On le voit avec la guerre en Ukraine qui marque le retour d’un conflit armé sur le sol européen. Un tragique rappel de l’Histoire.

Pour le coup, la guerre en Ukraine est bien visibte. Et pourtant on ne l’a pas vue venir ?

Ou on n’a pas voulu la voir venir. Du moins certains pays européens. Cela tient à deux principales raisons : notre scepticisme depuis 2003 (l’invasion de l’irak par les Américains) vis-à-vis des renseignements fournis par les États-Unis à leurs alliés. Et uneerreur d’analyse sur Vladimir Poutine. On s’estpersuadé que Poutine, considéré comme la tête la plus froide de la realpolitik, ne le ferait pas, que ce n’était pas dans son intérêt. Les signes avant coureurs - l’annexion de la Crimée, le conflit hybride, la déstabilisation du Donbass, les opérations
cyber, le recours aux mercenaires - ne manquaient pourtant pas. Pour ma part, sije n’ai pas été étonné par le déclenchement de la guerre, l’ampleur, l’intensité de l’attaque russe et la résistance ukrainienne m’ont surpris.

L’évolution d’une guerre invisible vers un conflit ouvert est inéluctabte. Est ce ce qui risque d’arriver à Taïwan ? 

Le sort de Taïwan est un sujet stratégique central. Le président chinois Xi Jinping a déclaré que ce problème serait réglé dans le sens d’une réintégration. Et la communauté stratégique américaine estime qu’une invasion de l’île pourrait avoir lieu avant 2027. C’estvraiment le dossier numéro un sur l’agenda stratégique. Et ce grand jeu, cette rivalité entre les puissances chinoise et américaine, concerne l’ensemble des paysde la région, mais aussi l’équilibre global. Notamment l’Australie, qui est en première ligne, ainsi que le Japon et l’Inde au travers du Quad, l’alliance qu’ils forment avec les Etats-Unis.

Et la France présente également dans cette zone?

Effectivement, compte tenu de ses possessions dans cette région du monde et des ambitions chinoises, la France a développé depuis quelquesannéesune stratégie indopacifique. Et elle encourage les pays de (Photo DR) l’Union européenne à faire de même. Les partenariats qu’elle a noués avec l’Inde, les Émirats arabes unis et l’Australie (même si ce dernier a souffert de l’Aukus, l’alliance militaire passée entre l’Australie, le Royaume-Uni et les USA et qui a conduit à l’annulation du contrat portant sur l’achat par Canberra de douze sous-marins français)
participe de cette stratégie indopacifique.

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> Lir el'interview sur Var-matin [1]