Publié le 21/12/2011

Valérie NIQUET, Sylvain TOUATI

En moins d’une quinzaine d’années, la Chine s’est élevée au rang de « puissance africaine » de premier rang en couvrant un large éventail de domaines : économiques, politiques, diplomatiques et militaires. Durant cette période, la Chine est devenue le second partenaire économique du continent africain (Afrique du nord incluse). Les voyages de dignitaires chinois en Afrique se sont multipliés, accompagnés de leurs lots de partenariats de développement, de signatures de contrats, dont certains ont impressionné par leur ampleur et leur nature. 

De leur côté, les dirigeants africains ont pris leurs habitudes en Chine, que ce soit lors de voyages individuels ou lors des grandes réunions organisées par le Forum de coopération sino-africain (FCSA) qui se tiennent alternativement en Chine ou sur le continent africain. La présence militaire chinoise, longtemps discrète, s’est accrue au travers de partenariats bilatéraux conclus avec des pays comme le Soudan ou le Zimbabwe, mais également de façon multilatérale, avec la participation de troupes chinoises aux opérations de maintien de la paix des Nations Unies ou encore l’envoi de navires de guerre pour participer à la sécurisation du Golfe d’Aden, maillon sensible d’une route maritime stratégique. La corrélation entre tous ces facteurs dans un laps de temps relativement bref (une décennie) met en évidence la mise en place d’une stratégie africaine de la Chine. Cependant, il serait abusif de croire que les succès de cette offensive chinoise en Afrique ne seraient que le résultat d’un plan concerté, parfaitement centralisé et rationnel. Au contraire, ces succès viennent sans doute de la conjugaison particulièrement dynamique d’efforts individuels et collectifs portés par une même confiance dans l’intérêt que représentent le continent africain et ses opportunités pour la Chine.

Les raisons qui expliquent la réussite des entreprises chinoises en Afrique sont donc multiples : soutien puissant de l’État chinois, bonne adaptation structurelle des entreprises chinoises, très grand pragmatisme économique, absence de conditionnalités et enfin, possibilités accrues en matière de marges et de prises de risque. Pour la Chine et ses entreprises, l’objectif est avant tout de prendre pied dans les pays africains et d’y remporter des parts de marché.

Le discours officiel chinois sur les relations sino-africaines met en avant également l’ancienneté de celles-ci et l’expérience commune de l’oppression coloniale, ce qui permet de créer un sentiment d’intérêt commun qui contraste avec les anciennes métropoles occidentales. Le président Hu Jintao peut ainsi déclarer en février 2009, lors de son passage en Tanzanie : « Chaque fois que je viens, c’est comme si je rentrais à la maison ». Cette stratégie est ancienne car elle date de l’époque des indépendances africaines. Ainsi, en 1965, le Premier ministre Zhou Enlai déclarait dans le même pays : « Mes collègues et moi-même ne nous sentons pas dans un pays étranger. Les relations entre nos pays datent de 900 ans ». L’Histoire constitue donc une ressource politique pour les autorités chinoises. Ces relations historiques d’amitié entre la Chine et l’Afrique, qui fonderaient les relations sud-sud et un partenariat gagnant-gagnant, sont souvent opposées dans la rhétorique officielle à la nature néo-impérialiste des rapports entre l’Afrique et les ex-puissances coloniales.

L’intérêt contemporain de la Chine pour l’Afrique remonte à 1949. La Chine accompagnait alors le continent africain au moment des mouvements de libération et des indépendances. La conférence de Bandung de 19558 a permis d’amorcer un dialogue sino-africain sur des enjeux politiques et diplomatiques vitaux pour Pékin, tels que le mouvement des non-alignés, la reconnaissance de la République Populaire de Chine et la revendication du siège au Conseil de sécurité des Nations Unies tenu par Taïwan de 1949 à 1971. On observe que l’ensemble des éléments de « l’offensive » chinoise des années 1990-2000 y a germé : diplomatie, aide au développement, coopération militaire, relations économiques basées sur les exportations africaines de matières premières et les importations de quelques produits manufacturés à bas coût.