Des alliés naturels ? Les relations Inde-Etats-Unis, de l'administration Clinton à l'ère Trump

Ces dernières années, experts et observateurs ont constaté une convergence d'intérêts géopolitiques entre les États-Unis et l'Inde.
Un tel alignement semble naturel et attendu depuis longtemps. L’Inde partage en effet des similitudes frappantes avec les États-Unis : une grande population multiethnique, une gouvernance démocratique et un fort sentiment de fierté nationale. De plus, aujourd'hui, l'Inde et les États-Unis sont confrontés à de nombreuses menaces similaires sur le plan international. La montée en puissance de la Chine défie à la fois l'hégémonie américaine et l'influence régionale indienne. De plus, les États-Unis partagent le scepticisme de l’Inde à l’égard du soutien offert par le Pakistan aux groupes terroristes opérant en Afghanistan et en Inde et trouvent refuge sur le territoire pakistanais.
Cependant, ces deux pays présentant des similitudes internes aussi extraordinaires, conjuguées à une telle convergence d'intérêts géopolitiques, entretiennent des relations étonnamment ordinaires. Alors qu’en principe Etats-Unis et Inde devraient être de proches alliés, des facteurs d’ordre interne et logistique entravent l’approfondissement de leur relation. Certes, depuis 1990, ils ont œuvré pour surmonter ces obstacles et créer un partenariat stratégique plus fort. Ce faisant, les trois premiers Présidents américains de l’après-guerre froide ont tiré de leurs interactions avec l’Inde deux enseignements particulièrement importants. D’abord, il est essentiel de créer des relations diplomatiques sincères. Les Présidents Clinton, Bush et Obama ont fait de réels efforts pour établir des liens avec les dirigeants indiens et ont incontestablement reconnu que l'Inde faisait partie intégrante de la grande stratégie américaine. Ils ont ainsi renforcé la confiance et la coopération bilatérales. La deuxième leçon est la nécessité de faire des compromis. Sans surprise, la vision indienne des affaires mondiales diffère de celle des États-Unis. Comme l’Inde privilégie ses propres intérêts nationaux, cela signifie que les deux pays se retrouveront nécessairement en désaccord sur certaines questions.
L’administration Trump aurait intérêt à retenir les leçons de ses prédécesseurs. Bien que les relations de Trump avec Modi semblent positives, elles paraissent superficielles au regard du bilan des présidents Clinton, Bush et Obama avec leurs homologues indiens. Dans le domaine de la défense et de la sécurité, l’administration Trump a maintenu la tradition établie par ses prédécesseurs consistant à renforcer le commerce et la coopération avec l’Inde, mais les deux gouvernements sont confrontés à des défis géopolitiques qui nécessitent aujourd’hui un partenariat renforcé. De plus, la rhétorique et les politiques économiques de Trump ont mis en péril l’expansion du partenariat. Trump et Modi sont tous deux des nationalistes conservateurs qui épousent un certain populisme politique et un penchant pour le protectionnisme économique. Pour créer un partenariat diplomatique durable, les deux hommes doivent se concentrer sur leurs similitudes et rechercher un compromis plutôt que de rester fermes là où ils diffèrent.
Les États-Unis et l'Inde partagent une vision similaire de la future architecture de sécurité de l'Indo-Pacifique et ont des objectifs communs dans la région. Il reste cependant à voir comment les États-Unis traiteront avec un pays - l'Inde - qui n’est pas un allié militaire américain traditionnel et cherche pourtant à devenir un partenaire stratégique et une future grande puissance. En outre, l’Inde n’a jamais adhéré à une alliance. Il n’existe donc pas de relation fortement institutionnalisée entre les deux pays. La présidence américaine actuelle qui cherche à renforcer les liens avec l’Inde et à tenir tête à la Chine doit être une opportunité de réaligner les politiques des Etats-Unis et de l’Inde dans l’intérêt des deux pays.
Ce contenu est disponible en anglais uniquement: Natural Allies? The India-US Relations from the Clinton Administration to the Trump Era
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