17
mar
2018
Espace Média L'Ifri dans les médias
Julien NOCETTI, cité par Cyrille SIMON pour Le Parisien

Russie : qui sont les adversaires de l’invincible Poutine ?

Même si le scrutin paraît joué d’avance, retour sur les sept candidats qui font face au maître du Kremlin.

En l’absence d’Alexeï Navalny, opposant numéro un au Kremlin mais interdit de participation en raison d’une condamnation qu’il conteste, l’élection présidentielle de ce dimanche en Russie a tout du scénario idéal pour le candidat Poutine.

Avancer que Navalny disposait de sérieuses chances de victoire face au chef d’Etat sortant s’avère périlleux mais une chose est certaine : le juriste était le seul capable de mobiliser plusieurs dizaines de milliers de personnes dans les rues contre le pouvoir en place. Le scrutin de dimanche ressemble donc à une vaste farce pour un grand nombre d’observateurs, excepté sur la question de la participation.

A eux sept, dimanche, les concurrents de Vladimir Poutine ne devraient ainsi pas cumuler plus de 20 % des voix, selon les dernières intentions de vote de l’institut VTsIOM. « L’opposition est plus faible et moins structurée qu’il y a cinq ans, constate Julien Nocetti, chercheur à l’Institut français des relations internationales (Ifri). Aucun candidat n’a réussi à capter l’électorat jeune et relativement libéral comme avait su le faire l’oligarque Mikhaïl Prokhorov en 2012. »

Pavel Groudinine, le communiste : 7-8 %

Candidat surprise du Parti communiste, cet homme de 57 ans s’est fait connaître grâce au « Sovkhoze Lénine », une ferme de fruits qui l’a rendu millionnaire. Autant dire un profil pas vraiment dans les standards de l’organisation.

S’il critique certaines politiques du gouvernement et fait l’éloge de Staline, Groudinine prend toutefois soin de ne jamais égratigner Vladimir Poutine… qu’il a soutenu par le passé. Il le rejoint même sur son rêve de grandeur nationale.

« Au Kremlin, à un moment donné, ils ont eu un peu peur de son potentiel, signale Julien Nocetti. Ils ont alors très vite saboté sa campagne en faisant fuiter des histoires de comptes cachées en Suisse. » C’est lui qui devrait logiquement terminer en deuxième position.

Vladimir Jirinovski, le clown populiste : 5-6 %

Voici le faux vrai opposant par excellence. Habitué des présidentielles et des déclarations tonitruantes, Vladimir Jirinovski, 71 ans, incarne pour la cinquième fois l’ultranationalisme russe. Antiaméricain, antilibéral et anticommuniste, ce proche de Jean-Marie Le Pen semble toutefois à bout de souffle depuis quelques années.

« C’est un vieux routier sans agenda économique, décrypte le chercheur. C’est le candidat typique de l’opposition systémique, c’est-à-dire une opposition fade et tolérée par le système. »

L’énigme Ksenia Sobtchak : 1-2 %

Une marionnette du Kremlin en charge d’agiter à la surface la campagne ou une opposante crédible dans le sillage d’Alexeï Navalny ? Ksenia Sobtchak, fille d’un des mentors de Poutine dans les années 1990, fut l’attraction de ces six derniers mois. S’étant proclamée « contre tous », cette journaliste proche de l’opposition libérale et ex-star de téléréalité a tenu un discours d’une rare virulence contre Moscou dans les médias locaux.

« Sobtchak a été très maladroite au départ avec des positions jugées bien trop pro-occidentales par le peuple russe. Mais elle s’est ensuite montrée très habile en se déplaçant en région, reprend Julien Nocetti. Elle s’est mise à traiter des thématiques socio-économiques immédiates. L’état des routes, des hôpitaux, du système éducatif… C’est là-dessus qu’elle devra miser à l’avenir. » La célèbre romancière russe Ludmila Oulitskaï, figure centrale de l’opposition, a par exemple salué les propos « précis et intelligents » de la jeune femme de 36 ans.

La reverra-t-on en 2024 ? Et pourquoi pas avec Navalny ? « La question est de savoir s’ils seront capables de mettre leur ego de côté. Alexeï Navalny, Garry Kasparov et Boris Nemtsov (assassiné en 2015 au pied du Kremlin, ndlr) avaient échoué sur ce point en 2011-2012 », insiste le chercheur. Les deux politiciens devront également s’accorder sur le champ diplomatique, principale ligne de fracture. « Navalny n’a rien du pro-occidental béat. Il le répète, il est avant tout un patriote russe », rappelle Julien Nocetti.

Les autres opposants

Grigori Iavlinski, 65 ans, incarne une des rares voix critiques de Vladimir Poutine. Seulement, sa troisième candidature à la présidentielle ne décolle pas. Le fondateur du parti libéral Iabloko ne devrait pas dépasser les 1 %.

Un autre candidat devrait stagner à ce chiffre. Nationaliste comme Jirinikovski, Sergueï Babourine a en revanche un tout autre caractère. Ce très discret ancien vice-président de la Douma vilipende depuis plus de vingt ans les orientations « néolibérales » de Moscou.

Crédité de moins de 1 % des intentions de vote, Boris Titov tente, lui, de fédérer les entrepreneurs. Parti à la quête du Kremlin sans illusions sur le vainqueur final, il est favorable à des mesures de relance économique et à une normalisation des relations avec les Occidentaux.

Et, enfin, le petit parmi les petits. Maxime Souraïkine, 39 ans, s’est lancé seul dans l’aventure après avoir quitté le Parti communiste en 2012. Et à vrai dire, il a moins brillé par ses mots que par ses poings. Jeudi soir, il a en effet tenté de frapper un proche de son rival communiste Pavel Groudinine en direct à la télévision. Un coup d’éclat parmi d’autres durant cette campagne où se sont régulièrement écharpés les candidats d’un plateau à un autre. Tous sauf un : Vladimir Poutine, resté bien au chaud au Kremlin.

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