01
déc
2008
Éditoriaux de l'Ifri Mardis de l'Ifri à Bruxelles
Véronique AUGER

L’Union européenne vue par les Français Compte-rendu du Mardi de l'Ifri à Bruxelles du 2 décembre 2008

Compte-rendu écrit par Christian Schülke, Ifri Bruxelles

L’Union européenne vue par les Français

Pour commencer son intervention, Véronique Auger, rédactrice en chef chargée de la rédaction européenne à France 3, a affirmé que les Français perçoivent généralement l’Union européenne (UE) de façon négative. Selon l’oratrice, cette perception est liée à deux raisons principales : la France est un « pays malade » et l’UE est compliquée. Mais grâce à la présidence française de l’UE actuellement en cours, cette perception pourrait s’améliorer dans l’avenir.

 

La France est un « pays malade. »

Quand les Français essaient de comparer leur sort à celui des autres nations, ils ont généralement des opinions très prononcées : ils sont soit « les meilleurs », soit « les pires ». Pourtant, quand on regarde de plus près, par exemple en faisant du « benchmarking » au niveau européen, on se rend vite compte que ni l’un, ni l’autre, n’est vrai. Selon Véronique Auger, les Français se trouvent plutôt au milieu de la moyenne européenne concernant beaucoup de questions. Le fait que les Français aient du mal à comparer leur situation à celle des autres montre en effet qu’ils ne connaissent pas assez le monde extérieur. Comme elles ne regardent pas assez les solutions pratiquées à l’étranger, les élites françaises sont trop sûres de connaître les bonnes solutions. Ainsi, elles ne s’inspirent pas assez des idées développées à l’étranger. Ceci est lié au fait que les Français, au moins traditionnellement, vont moins à l’étranger que d’autres peuples.De même, la mauvaise perception de l’UE par les Français est liée au système d’éducation nationale. L’Europe et l’UE sont mal enseignées en France, puisqu’on n’accorde pas assez de place à ces sujets. De plus, beaucoup d’enseignants de l’Hexagone sont eurosceptiques : ils ont majoritairement voté contre la constitution européenne lors du referendum de 2005. Il semble dès lors qu’ils connaissent mal l’UE et qu’ils aient une vision déformée de ce qui se passe à Bruxelles. Par ailleurs, ceci vaut également pour de nombreux journalistes en France, qui écrivent souvent de manière incorrecte sur les sujets européens. Il faudrait donc, de toute urgence, améliorer les connaissances de ces deux groupes sur l’UE, groupes qui jouent respectivement un rôle-clé pour former la perception de l’Union par les Français.

 

L’Union européenne est compliquée.

Néanmoins, il faut concéder que la mauvaise perception de l’UE est également liée au fait qu’elle constitue un système politique complexe. Ainsi, il n’est pas aisé d’expliquer aux citoyens le fonctionnement de l’intégration européenne. De même, les institutions européennes n’ont pas entrepris, dans le passé, les efforts nécessaires pour bien communiquer sur les sujets européens. Concernant les journalistes travaillant sur les sujets européens, et notamment les correspondants à Bruxelles, ils ont trop longtemps donné une vision très technocrate de l’UE, ce qui s’est également traduit par l’utilisation d’un vocabulaire peu compréhensible pour les citoyens. Depuis 2-3 ans, la Commission et le Parlement européen font de réels efforts de communication. Mais il est évident qu’il reste beaucoup de progrès à faire : à partir de son expérience personnelle, Véronique Auger a expliqué qu’en tant que journaliste travaillant sur les sujets européens sans être basée à Bruxelles, elle rencontrait très souvent des problèmes pour accéder aux interlocuteurs dans les institutions européennes.

Par ailleurs, les aspects sociaux et humains des projets européens devraient constituer une priorité de la communication de la Commission, notamment en direction des Français : il est étonnant de voir que la plupart des Français perçoit toujours l’UE comme un acteur néolibéral et antisocial.

La présidence française de l’UE, un germe de changement pour la perception de l’UE par les Français ? Pendant la présidence française de l’UE, Nicolas Sarkozy a fait la preuve que pour beaucoup de thématiques, le niveau européen est le niveau le plus cohérent en termes d’action. En politique étrangère, il a montré, lors de la crise géorgienne, que l’UE pouvait agir beaucoup plus efficacement si elle parle d’une seule voix. Dans le domaine de la politique économique et sociale, le Président Sarkozy a fait comprendre aux Français que la coopération au niveau européen était nécessaire pour répondre à la crise économique et financière. Notamment pour changer le système mondial, par exemple au niveau du G20, la France ne peut peser que si elle procède de manière conjointe avec ses partenaires européens. Il semble donc que la présidence française de l’UE ait pu faire comprendre les avantages de l’intégration européenne aux Français. Ceci a sans doute une influence positive sur la perception de l’Union par les Français. Néanmoins, il n’est pas certain que cette tendance positive perdure après la fin de la présidence française de l’UE. On aura une première réponse lors des élections européennes de 2009.

 

L’intervention de Véronique Auger a été suivie par un débat avec la salle. Les questions portaient, entre autres, sur les différences entre la perception de l’UE par les Français et la perception dans les autres pays membres, les évolutions de la vision française par rapport à l’Europe et notamment la nouvelle « génération Erasmus », beaucoup plus ouverte sur l’Europe que les générations précédentes. Plusieurs personnes ont également souligné l’importance des élections de 2009 : il faudrait que les nouveaux élus, et notamment les têtes de liste, honorent, plus que dans le passé, leurs engagements de siéger toute la période au Parlement européen.