31
mai
1999
Publications Notes de l'Ifri

Les Etats-Unis et la France. La puissance entre mythes et réalités Philippe Moreau Defarges. Série transatlantique, Notes de l'Ifri, n° 14, Paris, Ifri

Diffusé par la Documentation française.

Résumé

La relation franco-américaine ne peut être simple. Les deux pays partagent une longue histoire commune, durant laquelle, du moins au 20e siècle (à l’exception de la période de Vichy), ils ont toujours été du même côté. Mais, alors que la puissance américaine ne cesse de s’épanouir, la France reste une nation ancienne qui se bat pour garder son rang. Tandis que l’Hexagone est à la recherche –souvent déçue– du “bon” rapport avec les Etats-Unis, ceux-ci sont à la fois intrigués et agacés par ce qu’ils ressentent comme les caprices ridicules d’une vieille dame, jamais rassasiée d’égards.

Les frictions franco-américaines ont trois terrains privilégiés d’affrontement: l’économie, la culture et l’Europe.

Tout d’abord, l’économie. Le temps des querelles idéologiques sur l’hégémonie du dollar est bien révolu. Finalement la France est ravie et fière d’être l’une des principales terres d’accueil des multinationales américaines. Quant aux entreprises françaises, leur implantation aux Etats-Unis est honorable, même si elle est loin d’égaler celle des entreprises allemandes. Par ailleurs, l’américanisation –c’est-à-dire la diffusion des normes américaines– de l’économie française semble inéluctable. Cette américanisation signifie-t-elle le triomphe des Etats-Unis? Les règles n’appartiennent à personne : aujourd’hui au service de l’un, elles sont le lendemain à celui de l’autre.

Ensuite, la culture. Du 17e à l’aube du 20e siècle, la culture française peut se croire universelle. Mais depuis la Première Guerre mondiale, la culture anglo-américaine s’impose comme telle. Alors la France bataille pour le rang du français, pour la préservation de la diversité des cultures. Mais où sont les vrais enjeux ? Les cultures américaine et française font face au même défi, celui des revendications multiculturelles. L’anglo-américain est désormais la langue des affaires, du sport, de la science, bref de la super classe mondiale. Reste la concurrence, non entre les cultures mais entre les industries des images. Le poids des Etats-Unis est écrasant et durable. Que peut faire la France ? Egaler les Etats-Unis? Mais n’est-ce pas vouloir créer des produits américains sans leur savoir-faire, sans leur machine à conquérir des marchés? Protéger les fragiles fleurs du cinéma d’art et d’essai? Mais n’est-ce pas s’enfoncer dans une sophistication peu accessible ?

Enfin, l’Europe. N’est-ce pas le terrain pertinent, celui où la France, unissant et guidant les Européens, dispose de ce levier lui permettant d’être l’égal des Etats-Unis? Sous la présidence du général de Gaulle qui, un moment, rêve en vain d’un directoire transatlantique, l’Europe devient un enjeu franco-américain. Mais les Européens sont-ils prêts à renoncer à la protection américaine ? Les Etats-Unis imaginent-ils ne plus être le gardien de la sécurité européenne ? Et la France accepte-t-elle le prix d’une entité européenne forte: sa transformation en province de l’Union européenne ?

En conclusion, est-il souhaitable et possible de normaliser la relation franco-américaine? Les deux pays se comprennent probablement fort bien, leurs malentendus (peut-être surtout du côté français) ayant leur utilité politique. Pour ces deux Etats, leurs défis majeurs se situent sans doute au-delà ou hors de leur relation. Le grand rêve de la France est d’être “l’embêteuse du monde”. Ce rêve a-t-il encore le moindre sens ? Quant aux Etats-Unis, ils sont la nouvelle Rome. Pour combien de temps ?