14
mar
2018
Espace Média L'Ifri dans les médias
Julien NOCETTI, cité Marie-Pierre HADDAD pour RTL

Julien Nocetti : « Marine Le Pen a profité des canaux noués par sa nièce avec la Russie, pour se rapprocher du Kremlin »

Le 18 mars prochain, les Russes sont appelés à élire leur nouveau président. Vladimir Poutine sera opposé à sept candidats. Selon l'institut russe VTsIOM, le président sortant  recueille 69% des intentions de vote pour la présidentielle russe. "Le candidat Vladimir Poutine est loin devant les sept autres candidats, avec 69% des intentions de vote", selon cette étude effectuée par téléphone.

Les partis politiques français ont des liens plus ou moins amicaux avec la Russie et surtout le Kremlin. Lors de la campagne présidentielle, des proches d'Emmanuel Macron, candidat d'En Marche ! avaient annoncé avoir été victimes de "plusieurs centaines d'attaques quotidiennes". Des attaques visant "nos bases de données et nos boîtes mail".

Autre parti arrivé au second tour de l'élection présidentielle : le Front national. En mai 2017, Mediapart publie une enquête intitulée "la vraie histoire du financement russe de Le Pen". Pourquoi existe-t-il des liens entre le Kremlin et le parti aujourd'hui présidé par Marine Le Pen ? Et comment se manifestent-ils ?

Une fibre pro-russe depuis Jean-Marie Le Pen

Joint par RTL.fr, Julien Nocetti, chercheur à l'Institut français des relations internationales (IFRI), explique qu'à l'époque de l'URSS, "Jean-Marie Le Pen n'a pas d'affinité particulière". Il a une position anti-communiste ferme. Mais après la dislocation du bloc communiste, le fondateur du Front national va développer une fascination pour le mythe de la grande Russie.

En effet, le père de Marine Le Pen se rendra à plusieurs reprises en Russie, en mettant à chaque fois en scène médiatiquement ses visites, "mais on ne sait pas s'il a déjà rencontré Vladimir Poutine", précise le chercheur. Le Monde rappelle qu'"en février 1996, Jean-Marie Le Pen était présent à Moscou pour soutenir le leader de l’extrême droite russe, Vladimir Jirinovski. Ce dernier lançait sa campagne électorale pour la présidentielle par la célébration, en présence de nombreux militants, de ses noces d’argent. L’occasion pour Jean-Marie Le Pen de proposer une union, politique celle-ci, aux militants russes : 'Patriotes de tous les pays, unissez-vous !'".

En 2005, le fondateur du Front national retente l'expérience. En visite à Moscou, "il appelle ainsi de ses vœux la création d'un 'espace boréal (...) chrétien, humaniste, au niveau de vie plus haut qu'ailleurs', de l'Europe de l'Ouest à la Russie et à la Biélorussie", note Le Monde qui ajoute que cette alliance sera aussi une mesure du programme de Marine Le Pen en 2011, avec la création de l'Union paneuropéenne avec la Russie et la Suisse et la création d'un axe Paris-Berlin-Moscou.

Des idées communes entre le FN et le Kremlin

"Cette fibre pro-russe va se retrouver dans la plupart de l'état-major du parti, notamment avec Aymeric Chauprade. Il a été conseiller de l'ombre de Marine Le Pen, puis conseiller aux affaires sociales. C'est un universitaire controversé qui a impulsé l'alignement des idées du Front national sur celles du Kremlin. Ses valeurs conservatrices ont rejailli sur les positions du parti. À partir de là, il y a eu des allers-retours fréquents des membres du Front national pour lever des fonds", explique Julien Nocetti.

"Lors de sa première visite en Russie, en juin 2013, Marine Le Pen est reçue par Sergueï Narychkine, le président de la Douma, la chambre basse du Parlement russe, et par Alexeï Pouchkov, qui dirige le comité des affaires internationales de cette même chambre. Ses visites suivantes, en avril 2014 et en mai 2015, seront accueillies avec autant de solennité que la première", note Le Monde. Le 24 mars 2017, en pleine campagne présidentielle française, elle sera reçue officiellement par Vladimir Poutine.

Ces visites répétitives vont avoir un écho en France. Comme le révélait L’Obs le 12 juin 2014, Alexandre Orlov, l’ambassadeur de Russie en France, reçoit de manière officielle Marine Le Pen et Marion Maréchal-Le Pen lors d’une réception donnée à l’ambassade pour célébrer la fête nationale russe.

"Marine Le Pen a profité des canaux noués par sa nièce, avec la Russie, pour se rapprocher du Kremlin. En effet, Marion Maréchal-Le Pen est plus proche des positions défendues par la Russie. Avant son retrait de la vie politique, elle représentait la ligne identitaire du parti. Leurs points de convergence concernent la montée de l'islamisme, le discours anti-européen, le fait que l'euro asphyxie les pays et le fait de contrer la politique américaine. Les deux protagonistes se rapprochent aussi sur les valeurs chrétiennes et conservatrices", détaille Julien Nocetti

Le financement russe des campagnes électorales

La Russie aurait aussi aidé financièrement le Front national, lors des élections présidentielles. Selon Mediapart, "les financements russes de Marine Le Pen se sont organisés autour d'un conseiller de Vladimir Poutine, Alexandre Babakov. Des emails démontrent une ingérence politique de deux lobbyistes russes". Le site ajoute : "Marine Le Pen et ses proches l’ont dit et répété sur tous les tons : les banques françaises n’ont pas voulu accorder de prêts au Front national et il a bien fallu aller chercher l’argent ailleurs. En l’occurrence en Russie, où des banques ont été sollicitées, prétendument en toute neutralité et loin de l’influence du Kremlin".

Mais selon France 24, "l'octroi de ce prêt appelle une autre question : y a-t-il eu une contrepartie politique aux financements russes ? Plusieurs emails publiés par Mediapart semblent l'indiquer. Ils démontrent que les deux interlocuteurs de Schaffauser, Mikhail Plisyuk et Alexander Vorobyev, ont eu une influence directe sur certaines prises de position du Front national au sujet de l'Ukraine".

 

Article original publié sur RTL.fr

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logo_rtl.jpg, par natacha_crance

 

Mots-clés
Front National Marine Le Pen Vladimir Poutine France Russie