29
avr
2008
Éditoriaux de l'Ifri Mardis de l'Ifri à Bruxelles
Valérie NIQUET

La Chine avant les Jeux Olympiques Compte-rendu du Mardi de l'Ifri à Bruxelles du 29 avril 2008

Compte-rendu réalisé par Louis Denisty, Stagiaire, Ifri Bruxelles 

La Chine avant les Jeux Olympiques

Valérie Niquet a présenté l’année 2008 comme une année cruciale pour la Chine, marquée par deux événements d’ampleur, les Jeux Olympiques (dont les dirigeants ont fait une priorité politique) et le 30e anniversaire des réformes de Deng Xiaoping. Leur organisation a été confiée au même homme, le vice-président Xi Jinping, héritier probable de Hu Jintao en 2012. Un autre événement de grande importance, éclipsé par les événements survenus au Tibet, a été la tenue au mois de mars de la 11e Assemblée Populaire Nationale (APN) au cours de laquelle le mot d’ordre a été la stabilité. L’oratrice s’est alors proposé de dresser un tableau de la situation politique actuelle de la Chine, en perspective des échéances de 2008.

 

L’Assemblée Populaire Nationale

Valérie Niquet a rappelé que toutes les institutions chinoises sont soumises au Parti Communiste Chinois(PCC). Les quatre plus hauts personnages de l’Etat sont également les quatre plus hauts dignitaires du Parti. En réalité, l’APN entérine les politiques décidées au PCC et procède à la nomination aux principaux postes de direction politique. Elle réunit près de 3000 délégués et a été marquée cette année par une volonté d’en améliorer la représentativité. En effet, trois délégués y ont représenté ceux que l’on appelle les « migrants urbains », et s’y trouvaient quelques délégués non membres du PCC. Elle sert également de caisse de résonnance des mécontentements de la base populaire et un corpus de lois, servant de base juridique aux démarches de la population, y a été adopté.

 

Quels défis pour la Chine aujourd’hui ?

Le premier est le renforcement des attentes de la population. La Chine, si elle est devenue une grande puissance économique, a toujours un revenu par habitant faible et connaît des problèmes de développement. Le deuxième, qui y est lié, est celui de l’environnement et de la santé publique. Le troisième concerne les inégalités sociales qui grandissent avec la croissance économique, entre régions et entre couches sociales. Le quatrième est la mise en place d’une société plus innovante, capable de plus créer, avec plus de recherche. Le cinquième est le développement harmonieux des infrastructures qui reste, malgré de lourds investissements, très déséquilibré.

Enfin, la Chine devra faire face au défi de la surchauffe économique, avec une inflation qui réapparaît dangereusement (2% en janvier 2007, 8,7% en février 2008). Tout en souhaitant maintenir un rythme élevé, Pékin essaye de contrôler sa croissance économique. A cet égard, l’inflexion de février semble plutôt provenir du contexte de la finance mondiale et des problèmes climatiques qu’a connus le pays que de la politique mise en œuvre par le gouvernement. La Chine cherche à obtenir une croissance plus qualitative. Aujourd’hui, les investissements se font principalement dans l’immobilier, les infrastructures et les industries tournées vers l’export, souvent grandes consommatrices de matières premières.

 

Les préoccupations de la population

Une enquête publiée par l’organe de presse du PCC examine les principales préoccupations de la population chinoise. Elles concernent le chômage, l’inflation, la santé, l’accès aux soins, les revenus, l’alimentation (quart du budget des ménages, le porc a augmenté de 40%) et la sécurité sociale. Viennent ensuite le respect du droit du travail, la corruption, le coût de l’éducation et la justice. On remarque que ces préoccupations ne coïncident pas toujours avec les priorités énoncées au niveau officiel. L’exemple des Jeux olympiques, qui tout en stimulant la fierté nationale ont permis de prendre conscience de certaines difficultés, l’illustre bien.

La réponse apportée par le gouvernement consiste à prendre en considération ces doléances tout en maintenant le cap de la stabilité, à réformer doucement le fonctionnement de l’Etat. Concrètement, ont été adoptés un plan gouvernemental pour la santé ainsi qu’un plan de remédicalisation des campagnes (héritage maoïste important). Le gouvernement a également annoncé sa volonté de ramener l’inflation à un taux maximum de 4,8%, en contrôlant les investissements (dans l’immobilier notamment) et en limitant les prix de l’énergie.

 

Un effort de rationalisation

Au cours des derniers mois, on a beaucoup parlé en Chine d’un effort de rationalisation de l’Etat, avec pour mesure phare la création de super ministères supposés alléger le fonctionnement administratif. Mais le pouvoir s’est heurté à l’immobilisme et à la volonté des hommes ou des structures de conserver leur grade ou leur autonomie. A titre d’exemple, il existe toujours un ministère des Chemins de fer qui n’a pas été intégré au Ministère des Transports. Il a également été créé une Commission nationale de l’Energie, qui n’est pas le pourtant très attendu ministère de l’Energie sous la coupe duquel les grandes compagnies énergétiques chinoises ont refusé d’être placées, préférant garder leur propre pouvoir. Face à la difficulté de supprimer des postes, des agences ou autres commissions, on est finalement passé de 28 à 27 ministères. Par ailleurs, aucune structure spécifiquement dédiée au traitement des questions financières n’a été créée. On peut également noter la création, en vue des Jeux Olympiques notamment, d’un ministère de la Protection de l’environnement, dont les moyens d’agir réels sont encore toutefois inconnus.

 

En conclusion, Valérie Niquet a souhaité souligner les fortes capacités d’analyse, de diagnostic dont disposent les dirigeants chinois, conscients qu’ils doivent faire évoluer le système, l’adapter à l’ouverture et au monde extérieur. La situation actuelle est peut-être le reflet de ce que sont les limites de la politique d’adaptation sans réformes profondes, et montre surtout les difficultés qu’a en réalité le pouvoir chinois à agir. Au sommet de ces difficultés se trouve le poids des institutions et le déficit d’autorité du pouvoir central sur celles-ci.

 

Suite à cette présentation, un débat s’est engagé dans la salle. Les questions posées ont principalement porté sur l’énergie, les investissements étrangers, l’autonomie des régions, la croissance, le Tibet, l’armée, les évolutions politiques et sociales internes, la question de la peine capitale et les scénarios d’évolution envisageables pour l’après Jeux Olympiques.