Publié le 13/04/2018

Thomas GOMART, (dir.) , Marc HECKER, (dir.)

Comment définir la politique étrangère d’Emmanuel Macron depuis son entrée en fonction ? Après la « diplomatie à l’estomac » de Nicolas Sarkozy et la « diplomatie normale » de François Hollande, le huitième président de la Ve République semble avoir opté pour un classicisme agile. Sur le fond, son approche ne prétend à aucune rupture mais revendique la continuité historique de son action.

Par rapport à ses deux prédécesseurs, il rééquilibre le discours entre alliances, valeurs et intérêts, en faveur de ces derniers, tout en donnant à sa politique une orientation européenne dépourvue de toute ambiguïté. Sur la forme, son approche passe par un recours aux symboles, un contrôle étroit de la communication et un style personnel agile. Terme venu de l’entreprise pour encourager organisations et individus à s’adapter et à innover, l’agilité traduit aussi la volonté d’utiliser et de maîtriser les nouvelles technologies. [...]

Comptant 14 textes courts, cette étude collective s’inscrit dans le dispositif mis en place par l’Ifri depuis 2016 pour analyser la politique étrangère française et fait directement écho à celle publiée à la veille de l’élection présidentielle [1]. Également disponible en anglais [2], elle vise à proposer un point de situation de l’action conduite par Emmanuel Macron sur les principaux dossiers internationaux depuis son arrivée à l’Élysée. En ce sens, elle doit moins se lire comme un bilan comptable, impossible à faire à ce stade du mandat, que comme un tableau impressionniste reflétant un mouvement général composé de différentes teintes. Il reste quatre ans à Emmanuel Macron pour le parfaire.

Cette étude est également disponible en anglais : « Macron, Diplomat: A New French Foreign Policy? ». [2]



Les médias en parlent :

Macron, de Jupiter à Diplomator [3], par Christian Makarian dans L'Express [4], 13 avril 2018


SOMMAIRE

 

Introduction, Thomas Gomart [5]

L'attractivité économique de la France, un chantier de longue haleine, Julien Marcilly

L’horizon de l’économie française s’est éclairci en 2017 : pour la première fois depuis 2011, la croissance du PIB a atteint 2 %, l’inversion de la courbe du chômage est enfin une réalité et le nombre de défaillances d’entreprises a baissé de 8 %. Mais, à y regarder de plus près, le tableau est loin d’être idyllique : le déficit commercial s’est creusé de 25 % ces deux dernières années, au point d’amputer la croissance française de 0,6 point par an.

Défense : l'ambition présidentielle face à la réalité, Corentin Brustlein [6]

À l’instar de la plupart des candidats à l’élection présidentielle, Emmanuel Macron avait affiché lors de la campagne électorale une ambition forte pour la défense française. À l’issue d’une période caractérisée par une surchauffe opérationnelle répondant à une multiplication des menaces, le diagnostic d’une nécessaire remontée en puissance budgétaire était alors partagé par la quasi-totalité des candidats.

Emmanuel Macron ou l'antiterrorisme en marche, Marc Hecker [7]

Le discours de victoire d’Emmanuel Macron, prononcé devant la pyramide du Louvre le 7 mai 2017, a été perçu par nombre de commentateurs comme un symbole monarchique. Les spécialistes de la lutte contre le terrorisme, quant à eux, y ont vu un symbole de résilience. Trois mois plus tôt, un terroriste avait attaqué une patrouille de l’opération Sentinelle sous cette même pyramide. La campagne électorale avait été marquée par un autre attentat : l’assassinat d’un policier sur les Champs-Élysées trois jours avant le premier tour du scrutin. Ce contexte tendu n’a pas dissuadé une foule dense de venir célébrer le succès du candidat d’En Marche.

"Make Our Planet Great Again" : quel leadership sur le climat ?, Marc-Antoine Eyl-Mazzega [8] et Carole Mathieu [9]

L’urgence climatique est réelle, le monde a connu des records de températures ces dernières années et un nouvel accroissement des émissions de gaz à effet de serre en 2017. Le président Macron en a pris toute la mesure en sermonnant ses hôtes réunis lors du One Planet Summit organisé à Paris en décembre 2017 : la bataille du changement climatique est en train d’être perdue, il faut aller plus vite et intégrer la contrainte climatique dans toutes les prises de décision.

Emmanuel Macron et la question migratoire, Christophe Bertossi [10]et Matthieu Tardis [11]

Assez curieusement, la présence de la candidate du Front national au second tour de la présidentielle de 2017 n’aura finalement pas conduit à faire de l’immigration une question centrale de l’élection française. Le constat est encore plus frappant lorsqu’on fait la comparaison avec les élections qui ont eu lieu depuis aux Pays-Bas, en Allemagne, en Autriche ou en Italie. Emmanuel Macron n’a donc pas été élu sur ce thème. Néanmoins, le début de son mandat a été fortement marqué par la question de l’asile, dans un contexte général de tensions sur les questions migratoires en Europe, liées à la crise européenne de l’accueil des migrants de 2015.

Numérique : entre protection et velléités de leadership, Julien Nocetti [12]

Il est peu de dire que l’arrivée d’Emmanuel Macron à l’Élysée s’est produite dans un climat de tension alimenté par les outils numériques. La campagne présidentielle puis le scrutin ont entraîné une vaste prise de conscience sur le phénomène des fake news, dans la foulée de l’élection américaine où la problématique s’est muée en affaire d’État.

La francophonie selon Macron, Hugo Sada

Depuis son élection, Emmanuel Macron s’est fortement engagé en faveur de la francophonie. « L’enseignement du français sera une priorité de notre action diplomatique et de notre rayonnement » a-t-il annoncé à Tunis en février 2018, insistant sur le fait que les budgets dans ce domaine seraient maintenus. Déclarations, annonces, premières actions se sont multipliées jusqu’à son grand discours sur sa politique francophone prononcé le 20 mars 2018 à l’occasion de la Journée internationale de la francophonie.

France-Allemagne : relance sur fond de divergences, Hans Stark [13]

Le partenariat privilégié franco-allemand a toujours été lent à redémarrer à la suite d’élections présidentielles. Les prédécesseurs d’Emmanuel Macron ont souvent été tentés de contourner Berlin en formant des alliances alternatives, du moins pendant un temps. Le nouveau président n’a pas cédé à cette tentation. Il a d’emblée mis l’accent sur une coopération renforcée avec l’Allemagne.

Macron, l'Allemagne et la relance de l'Europe de la défense, Barbara Kunz [14]

À Berlin, l’élection d’Emmanuel Macron a été accueillie avec beaucoup de soulagement. L’Allemagne espérait que le prochain chef d’État français serait à la fois pro-européen et prêt à lancer des réformes économiques structurelles dans son pays. Le nouvel hôte de l’Élysée remplissait ces deux critères. Ce qui ne figurait pas forcément sur la liste des critères de Berlin était la volonté du nouveau président de relancer l’Europe de la défense. La coopération de défense – à la fois bilatérale et dans le cadre de l’Union européenne (UE) – se retrouve aujourd’hui au cœur de l’agenda franco-allemand.

Trump et Macron : le pari de l'entente, Laurence Nardon [15]

Après des débuts difficiles, les relations entre Donald Trump et Emmanuel Macron se sont améliorées. Peut-on en escompter des résultats bénéfiques pour la France, alors même que la relation franco-américaine demeure structurellement asymétrique ? Les relations entre le président américain populiste, nationaliste et surtout imprévisible, et le président français, jeune, intellectuel et plutôt libéral, ne semblaient pas placées sous les meilleurs auspices. Leur première rencontre, à Bruxelles en mai 2017, a donné lieu à une poignée de main musclée que beaucoup ont interprétée comme l’établissement d’un rapport de force.

France-Russie : les limites d'une coopération bilatérale, Tatiana Kastouéva-Jean [16]

Les autorités russes n’ont de toute évidence pas misé sur les bons candidats lors des élections présidentielles françaises de 2017. En témoignent les sympathies ouvertement exprimées pour le candidat des Républicains François Fillon et l’accueil chaleureux de la présidente du Front national Marine le Pen par Vladimir Poutine à quelques semaines des présidentielles, alors qu’Emmanuel Macron a fait l’objet d’une campagne de diffamation et de dénigrement dans les médias russes. Néanmoins, le président russe a été le premier chef d’État accueilli par le président Macron dès son entrée en fonction, fin mai 2017 à Versailles.

Moyen-Orient : implication tous azimuts, Dorothée Schmid [17]

Emmanuel Macron était attendu sur le Moyen-Orient où la présence française est mise à mal par un contexte extrêmement conflictuel et évolutif. Chaque président français imprime sa marque sur ce dossier : après un Nicolas Sarkozy offensif, taxé par ses adversaires de néo-conservatisme, François Hollande était apparu en retrait, accablé par la crise syrienne qui avait assombri sa fin de mandat. La France peinait à prendre la mesure des enjeux sociétaux surgis avec les printemps arabes de 2011 et à s’ajuster aux nouveaux rapports de force dans la région.

Macron et l'Afrique : nouvelle approche pour un changement d'époque, François Gaulme

Les premiers mois du quinquennat d’Emmanuel Macron révèlent deux orientations en apparence contradictoires mais stratégiquement complémentaires vis-à-vis de l’Afrique : le maintien de l’approche sécuritaire de son prédécesseur au Sahel et l’amorce d’une réforme en profondeur de l’aide au développement. Rien n’illustre mieux l’évolution actuelle des relations franco-africaines que l’importance symbolique prise par Ouagadougou, modeste capitale d’un petit pays enclavé, le Burkina Faso. Cette ville a été choisie par le nouveau président pour y affirmer, le 27 novembre 2017, devant un public d’étudiants, sa rupture avec la « politique africaine de la France ».

Constance et diversification de la politique asiatique de la France, Alice Ekman [18], Françoise Nicolas [19], Céline Pajon [20] et John Seaman [21]

Au terme de sa première année au pouvoir, la politique asiatique du président Macron tarde à se dessiner avec précision, tant la priorité a été donnée à l’Europe, et dans une moindre mesure à l’Afrique. Certains discours présidentiels suggèrent toutefois que les grands principes de la politique extérieure macronienne s’appliquent aussi à l’Asie : sécurité qui se conjugue avec la stabilité du monde ; indépendance qui impose de revisiter les termes de la souveraineté y compris européenne ; influence qui va de pair avec la défense des biens communs universels.