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La Chine, première puissance économique mondiale… Vraiment ?

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Lettre du Centre Asie
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Le premier ministre Manuel Valls est en visite en Chine, devenue officiellement en 2014 la première puissance économique mondiale devant les Etats-Unis. Officiellement, sans doute, si l’on retient les prévisions du Fonds monétaire international (FMI) publiées en octobre 2014. Encore faut-il préciser que ces calculs du FMI utilisent les parités de pouvoir d’achat (PPA) pour comparer les produits intérieurs bruts (PIB) chinois et américain. Qu’est-ce à dire ?

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Pour classer les pays selon la taille de leur PIB, on convertit les monnaies nationales en dollars. Il existe deux méthodes de conversion, soit au taux de change du marché (environ 6 yuans pour un dollar), soit en parité de pouvoir d’achat (autour de 3,7 yuans par dollar). Ce dernier taux, résultat de calculs complexes, tient compte du coût de la vie dans chaque pays : par exemple, le même montant en yuans permettra d’acheter un seul hamburger à New York contre deux à Pékin.

Chaque méthode a son intérêt propre. La PPA permet d’évaluer sur la durée les performances économiques de chaque pays hors effets de change, mais surtout de comparer le PIB par habitant et donc le niveau de vie d’un pays à l’autre. En revanche, le PIB converti au taux de marché est un bon indicateur du poids respectif des pays dans l’économie mondiale, d’où découle leur classement en termes de puissance économique.

Selon ce deuxième critère, le plus couramment utilisé, la Chine est restée en 2014 la seconde économie du monde, avec un PIB inférieur de 40 % à celui des Etats-Unis. C’est ce classement qui paraît s’imposer ; sinon, il faudrait par cohérence rétrograder la France de la 6e à la 8e place en PPA, tandis que l’Inde gagnerait sept places et deviendrait numéro trois mondial.

Maintien à la deuxième place

Deux arguments confortent ce maintien de la Chine à la deuxième place. Le calcul des PPA est extrêmement complexe et donne parfois lieu à des révisions de grande ampleur. La prévision du PIB chinois pour 2014 dans un rapport du FMI publié en avril était très inférieure à celle publiée en octobre... Par ailleurs, Pékin ne se sent nullement engagé par les calculs du FMI, et se considère toujours comme la deuxième économie mondiale, comme l’a rappelé le premier ministre Li Keqiang le 23 janvier à Davos.

Il n’en demeure pas moins que la Chine va bel et bien devenir la première économie du monde dans une dizaine d’années. On estime que son PIB converti au taux de change du marché dépassera celui des Etats-Unis durant la première partie de la prochaine décennie. Ce sera à vrai dire la fin d’une longue parenthèse, puisque la Chine était la première puissance économique mondiale jusqu’au début du XIXe siècle. Son retour à la première place est d’ailleurs pleinement justifié par la taille de son territoire et de sa population active – 900 millions contre 160 millions aux Etats-Unis –, sans parler de ses colossales ressources financières.

Pourtant, il s’agit là des facteurs quantitatifs de la formidable expansion chinoise, qui a reposé essentiellement sur l’effet de masse et sur la dynamique des forces mises en jeu, en travail et en capital. D’un point de vue qualitatif, l’écart de productivité avec l’Amérique – tel qu’il se reflète dans le PIB par habitant – est énorme et le restera encore longtemps : on estime qu’en 2030 le revenu par tête en Chine ne sera encore que le tiers du revenu américain.

Parmi les nombreux défis auxquels la Chine doit faire face (croissance durable, environnement, protection sociale, etc.), le rattrapage technologique s’impose comme une priorité pour accroître sa compétitivité. Un plan ambitieux pour la période 2005-2020 a permis des avancées parfois spectaculaires – notamment dans des secteurs à forte visibilité internationale – et la Chine est devenue en 2013 le premier déposant de brevets au monde.

« Juste place »

Mais la quasi-totalité de ces brevets ne concerne que le marché intérieur, le nombre de brevets déposés à l’étranger restant très faible. De point de vue, le retard à combler est encore important par rapport aux pays développés, Etats-Unis et Japon en tête.

Pourtant, la Chine deviendra à terme une puissance technologique de premier plan. Elle le fut par le passé, comme l’a rappelé la rutilante dramaturgie d’ouverture des Jeux olympiques de Pékin en 2008 mettant en scène les « quatre grandes inventions » : le compas, le papier, l’imprimerie et la poudre à canon. Le géant chinois se donne les moyens de reconquérir son excellence dans ce domaine, notamment par un doublement sur quinze ans des dépenses de recherche et développement.

A l’horizon 2030, la Chine devrait avoir largement dépassé les Etats-Unis en termes de puissance économique et, dans l’intervalle, elle aura considérablement renforcé son potentiel militaire. Sera-t-elle en mesure de menacer l’hyperpuissance américaine et de lui ravir le leadership mondial ? Aujourd’hui, les dirigeants chinois répètent à l’envi que leur pays n’a aucune ambition hégémonique mais qu’il veut seulement retrouver sa « juste place » dans un monde multipolaire. A ce titre, ils contestent par petites touches l’hégémonie des Etats-Unis et réclament un dialogue d’égal à égal avec Washington.

Qu’en sera-t-il lorsque la Chine disposera de tous les leviers de la puissance et que sa « juste place » sera la première ? Centre du monde, saura-t-elle résister à la tentation hégémonique de toute superpuissance ? C’est toute l’ambiguïté du « rêve chinois » dont le président Xi Jinping s’est fait le héraut, celui de « la grande renaissance de la nation chinoise ».

Cet article est paru dans le journal Le Monde le 30 janvier 2015.

 

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Claude MEYER

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Anciennement Conseiller au Centre Asie de l'Ifri

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