19
jan
2018
Espace Média L'Ifri dans les médias
Virginie Robert, cite la conférence de l'Ifri dans son article dans Les Echos

Pourquoi l'an II de Trump sera tout aussi chaotique

La capacité de disruption du président américain est intacte. Les échéances électorales des « midterms » seront une occasion en or pour le montrer, aux Etats-Unis comme sur la scène internationale.

 

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Attention, ça va tanguer. Année électorale oblige, il faut s'attendre à voir resurgir le Trump haut en couleur de la campagne de 2016. L'habit présidentiel n'y aura rien fait. Depuis qu'il est installé à la Maison-Blanche, Donald Trump n'a fait que flatter sa base électorale  à coups d'invectives contre l'establishment et les médias, allant parfois jusqu'à afficher un racisme décomplexé. Sans idéologie, persuadé que tout est affaire de transaction et mû par la seule conviction que le vainqueur rafle toute la mise, il va reprendre le sentier de la guerre. Sentier qui l'emmènera goûter à ces grands bains de foule aux quatre coins du pays qu'il affectionne tant.

Le problème, c'est que sa base électorale est étroite. Les Américains lui accordent peu de crédit - avec 39 %, il a la cote de popularité la plus basse jamais enregistrée à l'issue d'une première année de mandat. Hormis une réforme fiscale et une Cour suprême bien droitisée pour les années à venir, ses trophées sont peu nombreux.
 

Conventionnel dans ses choix

Depuis qu'il est arrivé au pouvoir, la plupart des observateurs politiques américains, comme Karlyn Bowman, de l'American Enterprise Institute, considèrent que, malgré ses vitupérations, «  c'est un président remarquablement conventionnel dans ses choix : administration, justice, défense, relations avec Capitol Hill, politique fiscale et réformes réglementaires sont dans la ligne du Parti républicain ». En même temps, son amateurisme et celui des équipes de la Maison-Blanche ont rapporté peu de succès. Ses tentatives ont été bridées soit par le Congrès, soit par les tribunaux (comme l'interdiction d'entrée sur le territoire de certaines nationalités), rassurant les Américains sur la force de leurs institutions.

Le président reste pourtant populaire au sein d'une frange de son parti. Ce qui explique pourquoi les républicains ne le lâchent pas encore. 
 
  • « La base est stable, le plaisir de la transgression est là, constate Jeffrey Goldberg, rédacteur en chef de "The Atlantic", récemment invité à l'Institut français des relations internationales. Si nous n'avions pas l'enquête Mueller, ça ressemblerait à une Maison-Blanche plus normale. » Les tweets en plus. Toute la communication du président repose sur un malentendu : « Ses supporters le prennent au mot, mais pas au sérieux, alors que ses ennemis le prennent au sérieux mais pas au mot », analyse Jeffrey Goldberg.
 

Le tournant des « midterms »

Cette stratégie a eu pour effet de l'enferrer à la marge du Grand Old Party, ce qui n'est pas de bon augure pour les élections de mi-mandat, en novembre prochain. Les sondages commencent à laisser entrevoir une remontée spectaculaire des démocrates au Congrès. Si les républicains tablent sur la santé économique florissante du pays et la réforme fiscale pour gagner des voix, les démocrates savent qu'ils ont une chance à saisir, d'autant mieux servie par les scandales et les outrances qui émanent de la Maison-Blanche.

Le président va devoir trouver une forme de consensus, et c'est peut-être sur le terrain de la politique étrangère - pourtant peu importante aux yeux de l'Américain moyen - qu'il essaiera de rassembler plus largement. Pour Jeremy Shapiro, expert de l'European Council on Foreign Relations, « il va falloir s'attendre à plus de 'trumpisme' à l'international ».
 

Imprévisible à l'international

Le problème est que, là aussi, le « trumpisme » se traduit par beaucoup de gesticulations au détriment d'une réelle stratégie. Après avoir vomi le multilatéralisme en dénonçant l'accord sur le climat et le partenariat commercial transpacifique, ou en exigeant la révision de l'Alena, il a clairement identifié deux cibles : la  Corée du Nord et  l'Iran . Volontiers agressif, le président a généré beaucoup d'anxiété, notamment en Asie. Pour le diplomate Yim Sung-joon, ancien vice-ministre des Affaires étrangères de Corée du Sud, Séoul est dans un état de vigilance maximum, non seulement en raison de la menace nucléaire proférée par Kim Jung-un... mais à cause de Trump et de son imprévisibilité.

Beaucoup de pays ne considèrent plus les Etats-Unis comme un allié fiable. Inculte, populiste, sans préparation pour la tâche, l'hôte de la Maison-Blanche est parvenu à ce que, pour le reste du monde, « la protection américaine soit désormais conditionnelle », constatait cet automne John Sawers, l'ancien chef des renseignements britanniques, devant un aréopage de diplomates à Marrakech lors de la World Policy Conference. Ce dernier ne mâche pas ses mots : « Donald Trump est le président le plus inapte qui soit pour gouverner les Etats-Unis. »
 

Surtout, en l'absence d'une réelle stratégie régionale ou internationale, la superpuissance laisse le champ libre à d'autres. Et, en particulier à la Chine, qui, petit à petit, réorganise l'ordre économique mondial. C'est Xi Jinping qui se fait désormais l'apôtre du climat ou du libre-échange, et qui impose peu à peu le yuan comme une devise de référence.

Recentré sur « America First », Donald Trump n'est plus l'arbitre de rien, notamment au Moyen-Orient. Les puissances régionales vont avoir beau jeu d'essayer de reprendre de l'oxygène, comme on le voit avec la rivalité exacerbée entre l'Arabie saoudite et l'Iran.

Plus que la Corée du Nord, qui présente un réel risque de conflit armé,  Téhéran devrait être la cible de choix de l'administration Trump en cette année de campagne. L'influence de l'Iran en Syrie, en Irak et au Yémen comme son programme de missiles inquiètent beaucoup de monde à Washington, et le président pourrait obtenir un soutien sur ce sujet. C'est donc sur le dossier iranien que le président devrait exercer toute sa capacité de disruption, aussi outrancière et dangereuse soit-elle.

 

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