31
mar
2023
Espace Média L'Ifri dans les médias
Amélie FEREY, citée par Marie-Violette Bernard sur France info 

En Israël, la démocratie menacée par les envies de "pouvoir absolu" de Benyamin Nétanyahou

Le Premier ministre a annoncé le report temporaire de sa réforme judiciaire, après plusieurs semaines de contestation. Mais le risque d'une concentration inédite des pouvoirs plane toujours.
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Ils resteront mobilisés "tant que le coup d'Etat judiciaire n'est pas totalement stoppé". Des milliers de manifestants se sont à nouveau rassemblés à Jérusalem et Tel-Aviv, mercredi 29 mars, après plusieurs semaines d'une contestation inédite en Israël. Le Premier ministre, Benyamin Nétanyahou, a tenté de calmer l'opinion publique en annonçant, lundi, une "pause" dans le processus d'adoption de sa très critiquée réforme judiciaire. Mais les protestataires "ne croient pas un seul de ses mots".

Vers un gouvernement tout-puissant

La réforme présentée en janvier permettrait au Parlement d'annuler toute décision de la Cour suprême, à la majorité simple (61 voix sur les 120 que compte la Knesset). "Les partis au pouvoir pourraient modifier jusqu'aux lois qui protègent les libertés fondamentales, sans qu'on puisse les en empêcher", décrypte Frédérique Schillo.

Autre mesure clé : "la fin de l'élection des juges par leurs confrères", pour donner plus de poids à l'exécutif dans le choix des magistrats de la Cour suprême. En nommant ses membres, Benyamin Nétanyahou mettrait donc un terme à l'indépendance de la juridiction. Une aubaine pour le Premier ministre, sous le coup de multiples poursuites pour corruption et qui cherche à éviter une condamnation. "La démocratie libérale repose sur plusieurs principes : le vote des lois par une majorité élue au Parlement, mais aussi l'Etat de droit et l'égalité des citoyens", expose Amélie Férey, chercheuse à l'Institut français des relations internationales.

"Lorsque le gouvernement a le contrôle des branches exécutive, législative et judiciaire, la démocratie libérale n'existe plus", poursuit-elle.

La réforme alarme d'autant plus l'opposition que, pour revenir au pouvoir, Benyamin Nétanyahou s'est associé à des partis ultraorthodoxes et ultranationalistes. "Ces groupes estiment que l'Etat hébreu doit avant tout être juif et que la démocratie n'est pas une composante essentielle de l'identité israélienne", détaille Amélie Férey.

Cette coalition a "fait émerger la droite suprémaciste juive, ouvertement raciste, qui a obtenu des postes au gouvernement", confirme Frédérique Schillo. Le ministre des Finances, Bezalel Smotrich, affirmait ainsi en mars que "le peuple palestinien est une invention", rapporte Le Monde. Quelques jours plus tôt, il avait appelé à "raser" le village de Huwara, en Cisjordanie, après le meurtre de deux colons juifs.

Ce discours a exacerbé les violences dans les territoires palestiniens, qui ont mené à la mort de 14 Israéliens et 86 Palestiniens depuis le début de l'année, selon un décompte de l'AFP. Car les suprémacistes soutiennent les installations en Cisjordanie, où "des zones sont de fait annexées par les colons israéliens", rappelle Amélie Férey.

Séparatisme et lois anti-LGBT

Si la colonisation des territoires palestiniens "est une menace pour la démocratie", cette question n'est toutefois "pas au cœur de la contestation actuelle", selon l'historien Thomas Vescovi. "L'élite économique et libérale s'est mobilisée car elle craint de voir un élargissement de l'oppression aux juifs laïcs", explique l'auteur de L'Echec d'une utopie, une histoire des gauches en Israël (La Découverte, 2021). Le nouvel exécutif prévoit en effet des mesures qui réduiraient les libertés des minorités, en autorisant par exemple les propriétaires à refuser de vendre leurs biens aux personnes LGBT+, illustre le chercheur. Et pour les ultraorthodoxes, "les femmes n'ont pas vocation à avoir les mêmes droits que les hommes", rappelle Amélie Férey.

Ces nouvelles attaques contre l'Etat de droit et les libertés individuelles ont alarmé la communauté internationale. Israël "ne [peut] pas continuer sur cette voie et je pense que je me suis fait comprendre", a déclaré le président américain, Joe Biden, fin mars. Il a précisé que les Etats-Unis, alliés historiques de l'Etat hébreu, ne prévoyaient pas "à court terme" de visite de Benyamin Nétanyahou à la Maison Blanche.

"Dans un contexte de guerre en Ukraine et de durcissement des blocs, opposant les Occidentaux à des régimes plus autoritaires, cette distanciation de Washington et de ses partenaires est très mal vécue par une partie de l'opinion publique israélienne", précise Amélie Férey. 

D'autant plus que l'économie du pays dépend largement des investissements étrangers. "Il y a une forte sensibilité des marchés financiers à cette réforme, car les entreprises et fonds d'investissement sont de plus en plus exigeants sur les critères environnementaux, sociaux et de gouvernance", poursuit la politiste. Ces dernières semaines, le shekel, la monnaie israélienne, a ainsi atteint son plus bas niveau en trois ans.

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Mots-clés
Benjamin Netanyahou Etat de droit Israël