03
mar
2018
Espace Média L'Ifri dans les médias
Hans STARK, cité par Jade Toussay dans le Huffingtonpost

Pourquoi Angela Merkel a déjà tout gagné, avant même le résultat du référendum du SPD

"Si le SPD vote non à la coalition, ça va devenir problématique pour l'Allemagne, pas forcément pour la chancelière". 

ALLEMAGNE - C'est bientôt la fin du suspense, et d'un feuilleton dont Angela Merkel se serait sans doute bien passée. Ce dimanche 4 mars, l'Allemagne saura si oui ou non elle s'engage dans une nouvelle Grande coalition (GroKo) entre le SPD et la CDU, grâce au résultat du scrutin interne des militants sociaux-démocrates, qui doit être annoncé à 8h. Si le "oui" l'emporte, la chancelière pourra enfin officiellement s'atteler à la formation de son gouvernement. Mais alors que l'avenir du pays repose entre les mains du SPD, Angela Merkel est-elle toujours en position dominante face aux sociaux-démocrates ?

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Si nos confrères du HuffPost Allemagne préféraient ne pas s'avancer dans leurs pronostics, le dernier sondage YouGov rendu public mercredi 28 février montrait le "oui" à une nouvelle alliance avec les conservateurs l'emporter assez nettement, avec 56% des intentions de vote.

Pour Angela Merkel, un vote favorable des 464.000 militants du SPD serait évidemment un soulagement. La chancelière pourrait recommencer à gouverner et mettre ainsi un terme à l'instabilité politique qui règne en Allemagne depuis les élections législatives de septembre 2017. "Si in fine elle parvient malgré tout à former une coalition, le verre sera toujours à moitié plein pour elle puisqu'elle pourra gouverner pendant quatre ans. Je pense que la coalition va être stable et c'est ce qu'elle veut", explique au HuffPost Hans Stark secrétaire général du Comité d'études des relations franco-allemandes (Cerfa) à l'Ifri.

"Le ton pourrait être moins cordial entre les membres de la coalition", nuance Hélène Miard-Delacroix, professeur d'université à la Sorbonne, spécialiste de l'histoire allemande. De quoi faire trembler les murs du Budenstag ? Pas vraiment.
 
Le calme forcé à l'Assemblée
 
Après avoir refusé puis accepté la coalition, les leaders du SPD avaient fort à faire pour tenter de séduire leurs militants, en vue du référendum. Pour les apaiser, Martin Schulz et son équipe ont donc tenté de peser le plus possible dans l'accord de coalition, contrat qui définit les grandes lignes du futur gouvernement. Après des semaines d'âpres négociations, ils obtiennent plusieurs victoires, notamment sur les thèmes sociaux si chers à la symbolique du parti : la réduction de l'écart de tarifs entre les médecins privés et publics, l'encadrement plus strict des contrats à durée déterminée, ainsi que la reprise du regroupement familial pour les migrants, tout un symbole pour les sociaux-démocrates, en dépit de la limitation imposée par la CDU.

Le parti réussit également à obtenir des postes clés au sein du futur gouvernement (si gouvernement il y a) : le très convoité ministère des Finances, les Affaires Etrangères, la Justice, le Social et le Travail. Une façon de peser dans les décisions et par la même occasion, de rassurer les membres du parti ? Dans le deuxième cas, c'est peine perdue selon Hans Stark : qu'importe le contenu de l'accord, les militants anti-GroKo (dont une majorité de jeunes) refusent tout simplement l'idée de travailler une nouvelle fois avec le parti de la chancelière et réclament une vraie opposition.

Mais sur ce point non plus, il n'y a pas grand chose à craindre. "Le SPD ne peut pas être à la fois au sein du gouvernement et jouer un rôle d'opposition. C'est la raison pour laquelle ils ont conclu ce contrat de coalition : tout ce qui va être décidé maintenant dans les quatre ans qui viennent et qui sera relatif aux décisions prises lors des négociations ne devrait pas prêter le flanc à des critiques de la part du SPD", précise Hans Stark, qui souligne l'empreinte importante des sociaux-démocrates dans l'accord, notamment sur les questions européennes.

De l'importance du compromis

"Il y a deux gagnants dans le traité de coalition : la CDU/CSU d'un côté et le SPD de l'autre. Le SPD a réussi à imposer un certain nombre de mesures à venir dans le domaine social. La CDU a réussi a en imposer d'autres. C'est un compromis, un juste milieu entre les intérêts des uns comme des autres", avance Isabelle Bourgeois, chercheuse au Centre d'information et de recherche sur l'Allemagne contemporaine (CIRAC), interrogée par Le HuffPost.

Et en Allemagne, cette notion de compromis est primordiale. "L'Allemagne est ainsi faite politiquement qu'il est impossible à un seul parti d'obtenir la majorité absolue. Tout gouvernement est forcé de fonctionner avec une coalition, que ce soit une grande ou une petite", précise la chercheuse. "Les Allemands ont l'habitude de négocier des compromis." En dépit des rancunes des uns et des autres, les discussions au Bundestag devraient donc se faire dans un calme relatif, dans le respect de l'accord - contraignant - de coalition et pour le plus grand bonheur d'Angela Merkel.

Mais les partis ont malgré tout chacun leur épingle à tirer du jeu. "Les deux vont être obligés de se démarquer un peu plus que par le passé parce que - et c'est institutionnel, ce n'est pas lié à des personnes ou à des partis - le trop grand rapprochement dans la Grande Coalition sortante a favorisé l'émergence d'extrémiste comme l'AFD. Le SPD comme la CDU sont donc obligés de se ressaisir et de se recentrer sur leurs fondamentaux. Le SPD va faire un peu plus de buzz mais la CDU et la CSU vont en faire aussi", explique Isabelle Bourgeois.

Un véritable défi pour le SPD, "encore en train de se chercher une identité". Du côté des conservateurs d'Angela Merkel en revanche, le processus semble déjà engagé et Angela Merkel a su retourner la situation à son profit. En nommant tout d'abord au ministère de la Santé Jens Spahn, présenté comme un frondeur au sein de la CDU, mais aussi avec l'élection de Annegret Kramp-Karrenbauer, proche de la chancelière, au poste de secrétaire générale du parti. Une stratégie de déminage qui a porté ses fruits et apaisé en partie les tensions internes.

En dépit des critiques de son propre camp et des coups de pression de l'Union européenne, Angela Merkel semble donc toujours aussi indéboulonnable. "Pourquoi ne réussirait-elle pas ?", s'étonne Isabelle Bourgeois. "Si le SPD vote non à la coalition, ça va devenir problématique pour l'Allemagne, pas forcément pour la chancelière. Ce n'est pas elle qui est désavouée, elle, elle a sa majorité de sièges."

 

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