La guerre comme ascenseur social. L'impact socio-économique du keynésianisme militaire russe

Pour financer l’effort de guerre, l’État russe a dépensé des sommes considérables et mis en place une forme de « keynésianisme militaire », qui transforme la société sur les plans socio-économique et culturel. Il rééquilibre partiellement les importants écarts de richesse, de niveau de consommation et de prestige social de la société russe en accordant des avantages financiers et symboliques importants à la Russie périphérique, longtemps oubliée par le pouvoir central.

Le keynésianisme militaire russe génère cependant des effets négatifs tandis que, trois ans après le début de la guerre, les bénéfices socio-économiques qu’il a apportés aux couches les plus modestes de la société russe semblent atteindre leurs limites. Quels que soient l’avenir économique du pays et ses évolutions politiques, les changements apportés par la guerre marqueront la société russe pour les années à venir.
L’impact de la guerre en Ukraine sur la société russe reste mal connu en Occident, où les débats se concentrent principalement sur l’état de l’opinion publique russe et la nature de son apparent soutien à la guerre en Ukraine. Si la société russe est résiliente et s’est adaptée aux incertitudes de la guerre, mêlant optimisme prudent pour le présent et anxiété profonde pour l’avenir, l’impact socio-économique de la guerre sur la société russe est toutefois moins bien connu. Pour financer l’effort de guerre, l’État russe a dépensé des sommes considérables et mis en place une forme de « keynésianisme militaire », c’est-à-dire, d’une part, une redistribution massive des revenus d’État en faveur des industries liées à l’effort de guerre, et d’autre part, un large soutien financier aux centaines de milliers d’hommes sur le front. Or, ce keynésianisme militaire transforme la société sur les plans socio-économique et culturel. Il rééquilibre partiellement les importants écarts de richesse, de niveau de consommation et de prestige social de la société en accordant des avantages financiers et symboliques considérables à la Russie périphérique, longtemps oubliée par le pouvoir central.
Le keynésianisme militaire russe génère, toutefois, des effets négatifs : un épuisement des ressources publiques, une inflation persistante, des secteurs civils qui peinent à gérer la préférence étatique donnée aux industries militaires, et une dépendance croissante envers la Chine. Quel est l’impact socio-économique et culturel de ce keynésianisme militaire ? Quelles régions russes gagnent et perdent dans cette économie de guerre ? Quel impact un retour massif des vétérans en Russie aurait-il sur la société russe ?
Marlène Laruelle est professeure en Affaires internationales et Sciences politiques à l’Institut pour les études européennes, russes et eurasiennes (IERES) de l’université George-Washington (Washington D.C.), où elle dirige l’Illiberalism Studies Program. Elle fut chercheuse associée au Centre Russie/Eurasie de l’Ifri entre 2009 et 2024. Son dernier ouvrage s’intitule Ideology and Meaning-Making under the Putin Regime (Stanford, 2025).
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